mardi 12 mai 2015

Xiamen 厦门: Les Tulous Hakkas

Après un nouveau trajet d’une vingtaine d’heures, nous arrivons enfin à Xiamen. Comme à l’accoutumée en Chine, c’est à pied que nous tentons de rejoindre notre hôtel. Il fait un soleil de plomb et la distance est … chinoise. Je n’en peux plus. Je m’arrête quelques minutes pour me reposer. Mon sac à dos qui ne fait qu’une dizaine de kilos me semble plus lourd que toutes les pierres de la Grande Muraille. Je bois et, entre deux gorgées, je m’assure que Flo a bien repéré le plus court chemin. « Mais c’est juste là » m’assure-t-il en me montrant l’horizon. J'endosse mon sac à dos. Mon tee shirt est trempé de sueur.

« Tiens regarde, voilà la rue de notre hôtel » m’assure-t-il. Nous sommes dans la rue principale du centre-ville. Nous avançons. Nous ne sommes plus qu’à quelques numéros de notre objectif. Un croisement de rues. Nous traversons. De l’autre côté du passage piéton, les numéros des immeubles ont pris une centaine d’un coup. C’est pas possible ! Comment le simple fait de traverser une rue nous fait passer du numéro 92 au numéro 207 ?

Car justement, notre hôtel est sensé se situer dans l’intervalle manquant. On multiplie les traversées de la rue pour tenter d’élucider le mystère. Rien à faire. On ne comprend plus rien. Flo va voir la balayeuse de la rue qui lui fait comprendre qu’il nous faut remonter la rue, bref revenir sur nos pas. Plus tard, un policier nous la fera redescendre. Nous nous retrouvons au cœur du problème : au milieu de ce passage piéton qui fait prendre à la rue plus de cent numéros d’un coup !
Bon, et bien on va quitter cette rue qui est censée être la nötre et on va tourner à gauche. Grand bien nous a pris car après une cinquantaine de mètres, une dame reconnaissant notre qualité de voyageur, sueur oblige, nous fait signe de la suivre. Elle tourne encore à gauche (donc si vous me suivez bien on se retrouve sur une parallèle à la rue problématique) et nous montre un petit bâtiment bien chinois restylé à la mode des « Cyclades » : Nous avions une façade blanc immaculé, des portes et fenêtres bleu électrique, et même un faux moulin grec miniature. Du loufoque dont seuls les chinois ont le secret (Et surtout qu’ils le gardent !). Après un repos très bien mérité dans notre cabine du même style, on part à la découverte de la ville. La visite des Tulous (cause de notre escale à Xiamen), on l’organisera ce soir, ca ne devrait pas être compliqué !

On arpente donc les rues de cette ville de bord de Mer ; une ville axée autour d’une rue principale la Zongshan lu (encore elle), à l’étrange style « colonial chinois » : ce style rencontré essentiellement en Malaisie et qui ne correspond en rien au style chinois traditionnel.
Nous avons l’impression d’être dans une sorte de Biarritz Chinois, une ville du début du XXème, aujourd’hui dédiée au tourisme de masse chinois.
J’ai bien dit Chinois ! Car tout au long de notre séjour à Xiamen, nous n’avons croisé aucun Européen !

Etonnamment nous apprenons que si les touristes Chinois se pressent à Xiamen ce n’est absolument pas pour visiter les Tulous, ces maisons-villages de terre cuite classées au patrimoine mondial de l’Unesco, mais pour se rendre à l’ile de Gulangyu située à moins d’un quart d’heure en bateau. Nous n’avions pas prévu la visite de ce site et pour cause le Lonely ne lui décernait qu’une étoile. Pourtant les avis chinois sont formels Gulangyu est LE site à visiter, la perle du coin. Le personnel de notre hôtel achève de nous convaincre : il s’agirait d’une île rassemblant d’anciennes belles demeures occidentales ; les hôtels particuliers s’y bousculeraient. Bingo, après 10 mois hors des repères de notre Cher Vieux Continent, il n’en fallait pas plus pour nous décider.

Nous visiterons donc les Tulous et Gulangyu.

Préparons tout ça ! Pour Gulangyu, aucun problème, il nous suffira de prendre le ferry sur le quai au bout de la Zongshan lu. Il y a des ferrys tous les jours à environ toutes les heures.

Pour les Tulous, c’est pas le même délire ; Notre Lonely nous avait menti ! Selon lui Xiamen était la ville dortoir permettant de visiter les Tulous. Sauf que pour rejoindre les Tulous depuis Xiamen, il faut calculer 3h30 de route en transport direct bien entendu. C’est ça une ville dortoir ?
Mais la cerise sur le gateau devait arriver : Pour se rendre par nos propres moyens (comme tout bon backpacker veut faire) à ces maisons-villages, il faut se lever à 5 heures du matin, prendre un bus, puis un van, puis marcher 4 km jusqu’à l’arrêt d’un autre bus, dont le passage est aléatoire… Arrivée sur place prévue à 12h00 et départ pour Xiamen prévu à 14 heures, car sinon on risquerait de louper l’un des maillons de cette infernale chaîne de transports et de nous retrouver au beau milieu de nulle part où dormir. On consulte internet. Rien. Pas une information plus pertinente. Parfois des bloggers nous conseillent de remplacer certains bus par des trains, mais le résultat est le même. On arrive à 12 h et on doit repartir à 14 heures.

Ca c’est un os… Allons dîner histoire de digérer cette nouvelle. Dans un bouiboui de l’une des perpendiculaires de Zongshan lu, on goutte une espèce d’énorme bulot frit saupoudré de sortes d’herbes. Pas mauvais du tout ! On se détend un peu dans la rue principale où les animations se déploient pour étourdir le touriste chinois qui, comme hypnotisé, se sépare aisément de quelques yuans. On rentre nous coucher. Dans le lobby de l'hôtel, une pancarte nous saute aux yeux ; elle affiche les photos des Tulous. L’hôtel organise donc des tours pour la visite de ces bâtisses. L’idée ne nous séduit pas. J’en fais une question de principe : On ne va quand même pas participer à un voyage organisé et suivre le parapluie d’un guide ! Bon de toute façons ça ne coûte rien de prendre quelques renseignements me souffle Flo en se dirigeant vers le comptoir. Il en revient avec toutes les explications, selon le tour choisi.
L’idée fait son chemin mais nous (je) ne sommes pas encore prêts à accepter de faire partie d’un groupe de touristes. Nous (je) décidons donc de nous laisser une journée supplémentaire de réflexion : la visite de Gulangyu le lendemain fera l’affaire.

Le lendemain, nous nous rendons donc à l’embarcadère de Xiamen.

-       « Tiens regarde, une mariée » dis-je à Flo en attendant le bâteau.
-       « Ah ouai ! T’as vu il y en a une autre là » me montra-t-il !

Nous débarquons sur l’île qui, aux abords, n’est pas du tout sexy. Nous nous engouffrons dans les petites rues. Moche ! Cette île est résolument moche. On est mort de rire. Tout ça pour ça ! les plaques "moment historique" (élaborées par un organisme chinois bien entendu) nous indiquent ce qui est censé être un bel hôtel particulier. Nous avions des bâtiments de briques ou de béton sans le moindre intérêt. Tous les cinquante mètres, nous croisons un couple de mariés venu avec son photographe pour immortaliser le moment dans un lieux « occidental » croyaient-ils ! On avance au pas de course histoire de vérifier qu’il y a vraiment rien de beau. Rien en vue. Bon et bien… on va retourner à l’embarcadère, et puisque l’intérieur de l’île est sans intérêt, on va longer la mer, ça devrait être plus correct.

Un monument historique?!? Ca? Vous êtes sérieux les gars? 

Et bien pas spécialement. L’eau a une couleur grisâtre et nous avons une vue sur les tours et les grues de Xiamen. Rien de très romantique, et pourtant ! C’est ici que les couples de mariés se font prendre en photo: ils sont tous là, des couples par dizaine, la robe meringue et le voile au vent, à poser sous l’oeil expert de leur photographe. On s’en amuse avant de regagner l’embarcadère et le continent.

Très originale...
Le continent.

Avant de prendre une décision pour le mode d’exploration des Tulous, on se donne encore quelques minutes, le temps d’acheter nos billets de train pour Shanghai d’où partira notre avion pour le Japon.

La guichetière nous informe que le TGV pour Shanghai mettra 5 heures. Cette affirmation nous fit prendre conscience que nous étions à la fin de notre voyage ; elle signifiait que nous n’aurions plus de longs trajets (si ce n’est notre vol de retour pour la France). Au Japon, les transports sont au moins aussi rapides qu’en France. C’en est donc fini des bus-hôtels, des trains de nuits, des trajets de 24 heures sans air conditionné, des trajets rythmés par le passage des marchands ambulants et ponctués par la traversée de paysages fous. C’est à la fois une bonne nouvelle parce que ces longs trajets sont crevants à la longue, et puis parce que la France nous manque, mais c’est aussi une triste nouvelle : notre rêve est doucement entrain de se refermer ; le réveil approche et on sait qu’il sera douloureux !

Pas le temps de laisser la mélancolie s’installer. Pas le temps et pas l’envie. Nous avons fait notre choix pour les Tulous : nous suivrons le parapluie d’un guide !

A l’aube (environ 8 heure du mat quoi), nous descendons à l’accueil de notre Hotel où nous faisons la connaissance de deux jeunes étudiantes SudCoréennes qui ont élu domicile à Shanghai pour l’année universitaire 2013-2014, et qui, comme nous, ont réservé le Tour des Tulous  avec l’Hotel. L’une des personnes de l’accueil nous accompagne là où le car viendra nous chercher.
Le car est rempli de chinois. Pas une seul européen. Les coréennes et nous, nous installons à l’arrière, et profitons du speech tenu en Chinois par la dame au micro à l’avant, pour nous en servir de berçeuse et atteindre les bras de Morphée. Après deux heures sur de larges routes, le car s’engouffre dans les collines. Une heure plus tard, il nous dépose à un petit restaurant au menu unique prévu pour l’ensemble du groupe. Les Coréennes et nous, prenons place autour d’une table déjà pourvue par quelques chinois et goûtons aux mets présentés sur le plateau central tournant. Les Coréennes semblent, tout comme nous, ne prendre aucune plaisir à ingurgiter de la peau de porc frit, des salades cuites trempant dans un bouillon maronnasse, où encore du tofu bouilli. Lorsque nous leur demandons si la nourriture coréenne est vraiment différente de celle servie en chine, elles ouvrent de grands yeux, comme si nous avions proféré une énormité, et s’empressèrent de plaider la cause de leur pays, qui manifestement ne pouvait en aucun cas être comparé à la Chine du point de vue culinaire.

A la fin du repas on nous répartit en petits groupes de 8 personnes et on nous présente notre guide, qui, à ma grande surprise, brandit un drapeau et non pas le mythique parapluie. Il est amusé d’avoir des occidentaux dans son groupe essaye de nous parler. Il nous fait comprendre qu’il est notre guide, et qu’il faut bien se souvenir de sa tête ; ne pas la perdre de vue. La journée promet avec lui !

le drapeau... Toujours suivre le drapeau... Ne pas perdre de vue le drapeau!

Et nous voilà partis en mini van sur les Traces des Tulous (tu= terre ; lou = immeuble), ces ancêtres des HLM version Hakkas. En effet, ces énormes bâtisses de boue séchée, à l’unique porte d’entrée ont été édifiées par les hakkas entre le XVème et le XXème siècle afin de se protéger des dangers extérieurs, parmi lesquels les pillages et les animaux sauvages. Il s’agit de véritables forteresses rondes ou carrées pouvant accueillir plusieurs centaines de personnes, et qui ne présentent quasiment aucune ouverture (sauf haut placées) sur l’extérieur.

Pour nous en mettre plein la vue, notre guide commence par nous présenter l’ensemble de Tulous de Tianluokeng. 5 énormes Tulous  (4 ronds et 1 rectangulaire) que l’on observe d’abord du haut d’une colline avant de partir à leur assaut.

L'ensemble de Tianluokeng

Vu d'une autre colline

méditation sur Tianluokeng et les plantations de thé

Le spectacle intérieur est à l’opposé de celui présenté à l’extérieur. C’est un espace de bois ouvert, aéré, chacune des habitations donnant sur une coursive empruntée par tous, le tout s’agençant autour d’une cour servant d’espace de commerce et de socialisation  qui referme parfois en son cœur le temple des ancêtres, la salle du précepteur et l’estrade de théâtre… C’est aussi beau qu’étonnant.

Intérieur d'un Tulou: ouverture et bois

Extérieur: fermetures et terre
Nous visitons trois des cinq Tulous de l’ensemble. Pour tous une seule règle : ne pas monter dans les étages car ce sont les « appartements » des membres du clan, l’espace « commerce » se situant au rez-de-chaussée. En ma qualité de juriste avertie et d’avocate respectueuse des lois et des règles en tout genre, j’observe évidemment à la lettre les consignes. Flo, ce mécréant ne résiste plus à la tentation. Un escalier le happe vers le haut, et il se retrouve, comme malgré lui vous dira-t-il, à arpenter les coursives des étages, volant de ci de là des clichés interdits…

Ils sont où les escaliers??
D’en bas, je ne le vois pas. Il a disparu et je sais au fond de moi qu’il est en train de fumer une clope avec un local et de lui montrer son portrait sur l’appareil photo ; qu’il reviendra l’air victorieux et fier d’avoir bravé l’interdit.
Explorons le 2ème étage!
 
Vue des étages (où il était interdit de se rendre hein Flo???)
Après la visite de cet ensemble, notre guide nous mène  au temple des ancêtres Zhang, un lieu doté de 23 stèles qui ne nous aura marqué que par la médiocrité d’une sorte de représentation théâtrale pour bébés (on frôle le niveau des marionnettes du Champ de Mars) …

Sur la route du dernier Tulou!
Enfin, notre guide nous demande quelques yuans, prix du ticket du petit train touristique qui devait nous déposer à notre dernière étape, Yuchanglou l’un des plus vieux Tulous de la région, avant de rentrer à Xiamen. Désormais habitués de ces extras non prévus dans le contrat et le prix initial, nous nous taisons et nous délestons des piécettes réclamées. Mais à notre grande stupeur, ce sont les Coréennes qui ne veulent pas céder. Elles en font une question de principe ; un contrat est un contrat et notre tour comprenait l’ensemble des transports utilisés dans la journée ! Une longue discussion s’engage en chinois, puis, comme à l’accoutumée, l’étranger se dépossède de ses richesses pour éviter le scandale… Ils sont forts ces chinois !


Le groupe des étrangers!
Après la visite du massif Yuchanglu, nous retrouvons le car et ses 3 heures de route, et enfin Xiamen à l’heure du dîner.
Florent tente de négocier un MacDo. Ca ne passe pas. Il se rabat donc sur le Subway (oui notre curiosité gustative a des limites, surtout en Chine!). Nous acceptons toutes les 3 (les Coréennes et moi) et ce n’est qu’à la commande que les Coréennes nous avouent que c’est là le premier subway de leur vie. Flo se réjouit à l’idée de ce baptème et s’implique à fond dans l’explication du concept et le fonctionnement des formules. Arffff evidemment il aurait été plus aisé pour lui d’expliquer les règles d’or du MacDo dont il connaît tout les recoins. Mais après tout il maîtrise aussi le sujet  Subway!


Le lendemain, nous partions pour Shanghai, et de là pour notre dernier Pays : le Japon !

Dans le TGV... normal quoi!
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