Himeji
est aussi loin d’Osaka que Versailles l’est de Paris. Il nous fallait donc
prendre le train de banlieue.
Alors
que nous n’avions pas énormément de temps, nous avions acheté quelques sandwich
à la gare et avions prévu de « déjeuner » dans l’équivalent du RER,
version Japonaise.
Sauf
qu’en réalité, le simple fait que la version du RER soit japonaise change tout
le principe du truc : le RER était niquel, pas un tag, pas une racaille.
Une
fois assis, nous ouvrîmes nos sanwich.
Dès
la première bouchée, nous nous sentions gênés. Ici personne ne mangeait dans le
RER. Ca nous semblait même sale de faire ça ici… Nous rangions le tout dans
notre sac plastique et remettions à notre arrivée notre déjeuner pressé.
D’ailleurs,
ce n’était pas que le RER qui était impeccable au Japon : tous les
transports semblaient neufs et leur utilisation relevait souvent de
l’exploit.
Par
exemple, à l’entrée des métros, nous avions des machines qui assuraient la
vente des tickets dont le fonctionnement était assez complexe.
Déjà, ca se présentait quasiment comme un tableau de bord d’avion : des boutons
partout : A droite et à gauche de l’écran. Ensuite le prix n’était pas le
même en fonction des lignes empruntées (même quand celles-ci se situaient dans
le même secteur) car l’exploitation de chacune des lignes relevait parfois
d’entreprises privées différentes. Plus précisément, au sein d’une même ville
on avait des lignes de métros qui pouvaient être exploitées par 2 ou 3
entreprises privées distinctes, pratiquant, chacune pour leurs lignes, leurs
propres prix. Je vous raconte pas le délire lorsqu’on devait changer de ligne
en passant d’une ligne exploitée par l’entreprise X à la ligne exploitée par
l’entreprise Y. On était contraints de faire des calculs Einsteiniens pour
déterminer le prix des tickets. C’est limite si on ne sortait pas le compas et
l’erlenmeyer!
Mise
à part ce casse-tête chinois (qui était en réalité japonais), que je laissais
volontiers à Flo avant de le féliciter sincèrement, je tiens à mettre un terme
à de fausses idées reçues sur le Japon et ses transports : Non les métros
et autres transports n’étaient pas, pour la plupart, des bijoux technologiques.
Les
machines à tickets avaient au moins une quinzaine d’années, et si elles étaient
à la pointe de la technologie au moment de leur installation -au moment où nous
nous avions encore des êtres humains pour nous vendre nos tickets- elles sont à
ce jour quelque peu passées de mode. Les rames de métro et de RER suivaient le
même régime.
Quoi
qu’il en soit et dans la mesure où tout était dans un état impeccable, nous
savourions notre qualité d’utilisateurs des transports publics. C’est sure que
c’est pas la RATP qui pourrait se vanter, d’un tel compliment !
A la
sortie en gare d’Himeji, le chemin nous était tout tracé : il y avait la
rue principale, légèrement montante et en haut l’Himeji Castle. Je vous dis
c’est tout pareil qu’à Versailles !
C’est
beau. Mais c’est pas une raison pour refuser l’appel du ventre ! Alors à
peine sortis de la gare, nous entamons nos sandwichs et autres mets. Les
batteries rechargées on part à l’assaut de l’imprenable château.
Ouf
les travaux semblent finis : pas de trace de l’échafaudage qui est sensé
entourer le donjon principal.
Ouf... plus de travaux sur le Château! |
Oui,
oui, mais non : les travaux de rénovation extérieure sont finis mais pas
les travaux de rénovation intérieure. On ne pourra pas visiter le donjon
principal et on se contentera des couloirs, de quelques tourelles, des
majestueuses portes et de la balade autour dans le labyrinthe des fondations.
On
chausse les petits sacs plastiques imposés à l’entrée et c’est parti. Bon pour
tout vous dire l’intérieur de la forteresse est complètement vide : Nous
sommes déçus. On en est persuadé: le beau mobilier doit être dans le Donjon principal. Plus tard dans notre voyage, nous apprendrons que les châteaux Japonais n'avaient que des fins défensives et ne servaient jamais d'habitat de sorte qu'ils étaient tous vide de meubles et d'histoires familiales!
Nous nous contentons donc du bâtis qui est pas mal: un beau bois se mélangeant avec les murs blancs.
Nous nous contentons donc du bâtis qui est pas mal: un beau bois se mélangeant avec les murs blancs.
L'intérieur: un peu vide quand même! |
Après
avoir bravé un dédale de couloirs vides, nous parvenons à une plus grande salle
où une petite mise en scène nous attendait.
La p'tite mise en scène |
En
réalité le château était beaucoup plus instructif et impressionnant de
l’extérieur. Il était construit sur d’énormes fondations de pierres entre
lesquelles on pouvait déambuler, vêtu de murs bancs comportant des meurtrières
triangulaires, rondes ou carrées ainsi que des mâchicoulis, et chapeauté de
tuiles en céramique aux armes du Seigneur des lieux.
Les fondations, les murs, un mâchicoulis, et quelques tuiles en céramique. |
Le
toit du donjon était en outre surmonté de créatures des mers figurant des
sortes de dauphins qui avaient vocation à protéger le château des incendies.
Bien
que l’imposant complexe ne servait qu’à des fins défensives et de guerre (et
non comme lieu de vie des Seigneurs), la ballade entre ces constructions avait
quelque chose de paradoxalement apaisant.
A peine imposant... |
Pour
prolonger l’apaisement, nous décidons de visiter le jardin jouxtant le Château.
Le Lonely Planet n’est pas très élogieux à son égard mais nous sommes tout de
même tentés de voir ce qu’est véritablement un jardin japonais.
Il
s’agit du Jardin Kokoen, (non non, il n’est pas l’œuvre d’un juif bègue), mais
d’un jardin créé en 1992 en respectant les techniques de jardinage de l’époque
Edo…
Je
dis « un jardin » mais il s’agit en réalité de 9 jardins, tous plus
beaux les uns que les autres. Le Lonely nous avait menti : nous n’avions
jamais vu des jardins aussi beau, les couleurs se mélangeaient parfaitement et
ce d’autant plus que nous étions en automne. Les éléments, l’eau, la pierre, les
plantes et les arbres se réunissaient dans la proportion idéale. Les essences
végétales se mariaient de la manière la plus harmonieuse.
Si
les jardins à la française constituent l’illustration la plus évidente de
l’intervention de l’homme (et de la géométrie) sur la nature, si les jardins
anglais se veulent être l’exemple d’une
nature non domestiquée accentuant le caractère naturel de la chose, le
jardin Japonais est le jardin de l’harmonie : du naturel calculé.
Alors
que nous sommes à la fin de notre voyage, nous dressions depuis quelques temps -et de manière inconsciente- un bilan, une comparaison entre les contrées d’Asie
et le Vieux continent. Nous étions unanimes : l’architecture du Vieux
continent détrônait celle des pays d’Asie (d’extrême Orient, car l’Inde était à
part dans ce classement), pour les paysages, l’Europe perdait au profit de
l’opulence et de la richesse de cette nature asiatique.
Et maintenant,
il y a un nouveau critère dans notre classement : les jardins. L’art du
jardin est dominé, de très loin, par le seul Japon.
Avant,
je disais volontiers à qui tentait de mon convertir à la main verte (maman,
belle-maman, si vous ne vous reconnaissez pas c’est que vous faites un déni),
que le jardinage et tout ce qui y avait attrait ne m’intéressait pas, je ne
m’interrogeais pas sur l’identité d’une plante, sur ses caractéristiques, sur
ses besoins etc... Désormais, ici au Japon, je m’interroge. Quel est l’arbre
qui donne des feuilles aussi rouges ; Non pas le rouge cramé d’un automne
français, qui s’apparente à un marron sans vie. Le rouge vif et pur. Quel est
celui qui, loin de revêtir l’aspect terne du jaune paille, se pare de feuilles
d’or ?
Le mariage parfait des couleurs |
Ici
au Japon, nous découvrions que le Jardin était un art ; qu’il pouvait
provoquer des émerveillements, des rêveries. Qu’il méritait d’être regardé en
lui-même dans ses moindres détails, et qu’il ne servait pas forcément d’écrin
pour une architecture ou pour des animaux.
Arrêt sur un pont de bois |
Les couloirs séparant chacun des jardins |
Une
fois que ce dernier fut dans les bras de Morphée, nous entamèrent notre chemin vers le retour à
la réalité, vers la gare, la tête dans les nuages. Dans ces mêmes nuages, le
voyage des étourneaux nous captiva un instant et puis la réalité nous tira de
nos nuages.
Train
pour récupérer nos affaires à Osaka, chez Sam, puis train à nouveau direction
Kyoto où l’une de nos plus belles rencontres nous attendait : Shuji, notre
hôte à Kyoto.