samedi 9 janvier 2016

Himeji 姫路城: le Versailles d’Osaka



Himeji est aussi loin d’Osaka que Versailles l’est de Paris. Il nous fallait donc prendre le train de banlieue.

Alors que nous n’avions pas énormément de temps, nous avions acheté quelques sandwich à la gare et avions prévu de « déjeuner » dans l’équivalent du RER, version Japonaise.

Sauf qu’en réalité, le simple fait que la version du RER soit japonaise change tout le principe du truc : le RER était niquel, pas un tag, pas une racaille.

Une fois assis, nous ouvrîmes nos sanwich.
Dès la première bouchée, nous nous sentions gênés. Ici personne ne mangeait dans le RER. Ca nous semblait même sale de faire ça ici… Nous rangions le tout dans notre sac plastique et remettions à notre arrivée notre déjeuner pressé.

D’ailleurs, ce n’était pas que le RER qui était impeccable au Japon : tous les transports semblaient neufs et leur utilisation relevait souvent de l’exploit.

Par exemple, à l’entrée des métros, nous avions des machines qui assuraient la vente des tickets dont le fonctionnement était assez complexe.
 Déjà, ca se présentait quasiment comme un tableau de bord d’avion : des boutons partout : A droite et à gauche de l’écran. Ensuite le prix n’était pas le même en fonction des lignes empruntées (même quand celles-ci se situaient dans le même secteur) car l’exploitation de chacune des lignes relevait parfois d’entreprises privées différentes. Plus précisément, au sein d’une même ville on avait des lignes de métros qui pouvaient être exploitées par 2 ou 3 entreprises privées distinctes, pratiquant, chacune pour leurs lignes, leurs propres prix. Je vous raconte pas le délire lorsqu’on devait changer de ligne en passant d’une ligne exploitée par l’entreprise X à la ligne exploitée par l’entreprise Y. On était contraints de faire des calculs Einsteiniens pour déterminer le prix des tickets. C’est limite si on ne sortait pas le compas et l’erlenmeyer!

Mise à part ce casse-tête chinois (qui était en réalité japonais), que je laissais volontiers à Flo avant de le féliciter sincèrement, je tiens à mettre un terme à de fausses idées reçues sur le Japon et ses transports : Non les métros et autres transports n’étaient pas, pour la plupart, des bijoux technologiques.

Les machines à tickets avaient au moins une quinzaine d’années, et si elles étaient à la pointe de la technologie au moment de leur installation -au moment où nous nous avions encore des êtres humains pour nous vendre nos tickets- elles sont à ce jour quelque peu passées de mode. Les rames de métro et de RER suivaient le même régime.

Quoi qu’il en soit et dans la mesure où tout était dans un état impeccable, nous savourions notre qualité d’utilisateurs des transports publics. C’est sure que c’est pas la RATP qui pourrait se vanter, d’un tel compliment !
A la sortie en gare d’Himeji, le chemin nous était tout tracé : il y avait la rue principale, légèrement montante et en haut l’Himeji Castle. Je vous dis c’est tout pareil qu’à Versailles !

C’est beau. Mais c’est pas une raison pour refuser l’appel du ventre ! Alors à peine sortis de la gare, nous entamons nos sandwichs et autres mets. Les batteries rechargées on part à l’assaut de l’imprenable château.

Ouf les travaux semblent finis : pas de trace de l’échafaudage qui est sensé entourer le donjon principal.

Ouf... plus de travaux sur le Château!
Oui, oui, mais non : les travaux de rénovation extérieure sont finis mais pas les travaux de rénovation intérieure. On ne pourra pas visiter le donjon principal et on se contentera des couloirs, de quelques tourelles, des majestueuses portes et de la balade autour dans le labyrinthe des fondations.

On chausse les petits sacs plastiques imposés à l’entrée et c’est parti. Bon pour tout vous dire l’intérieur de la forteresse est complètement vide : Nous sommes déçus. On en est persuadé: le beau mobilier doit être dans le Donjon principal. Plus tard dans notre voyage, nous apprendrons que les châteaux Japonais n'avaient que des fins défensives et ne servaient jamais d'habitat de sorte qu'ils étaient tous vide de meubles et d'histoires familiales!
Nous nous contentons donc du bâtis qui est pas mal: un beau bois se mélangeant avec les murs blancs.

L'intérieur: un peu vide quand même!

Après avoir bravé un dédale de couloirs vides, nous parvenons à une plus grande salle où une petite mise en scène nous attendait.

La p'tite mise en scène
En réalité le château était beaucoup plus instructif et impressionnant de l’extérieur. Il était construit sur d’énormes fondations de pierres entre lesquelles on pouvait déambuler, vêtu de murs bancs comportant des meurtrières triangulaires, rondes ou carrées ainsi que des mâchicoulis, et chapeauté de tuiles en céramique aux armes du Seigneur des lieux.

Les fondations, les murs, un mâchicoulis, et quelques tuiles en céramique.
Le toit du donjon était en outre surmonté de créatures des mers figurant des sortes de dauphins qui avaient vocation à protéger le château des incendies.

Bien que l’imposant complexe ne servait qu’à des fins défensives et de guerre (et non comme lieu de vie des Seigneurs), la ballade entre ces constructions avait quelque chose de paradoxalement apaisant.

A peine imposant...
Pour prolonger l’apaisement, nous décidons de visiter le jardin jouxtant le Château. Le Lonely Planet n’est pas très élogieux à son égard mais nous sommes tout de même tentés de voir ce qu’est véritablement un jardin japonais.

Il s’agit du Jardin Kokoen, (non non, il n’est pas l’œuvre d’un juif bègue), mais d’un jardin créé en 1992 en respectant les techniques de jardinage de l’époque Edo…

Je dis « un jardin » mais il s’agit en réalité de 9 jardins, tous plus beaux les uns que les autres. Le Lonely nous avait menti : nous n’avions jamais vu des jardins aussi beau, les couleurs se mélangeaient parfaitement et ce d’autant plus que nous étions en automne. Les éléments, l’eau, la pierre, les plantes et les arbres se réunissaient dans la proportion idéale. Les essences végétales se mariaient de la manière la plus harmonieuse.

L'art des japonais
Si les jardins à la française constituent l’illustration la plus évidente de l’intervention de l’homme (et de la géométrie) sur la nature, si les jardins anglais se veulent être l’exemple d’une  nature non domestiquée accentuant le caractère naturel de la chose, le jardin Japonais est le jardin de l’harmonie : du naturel calculé.
Ni le calcul, ni le naturel n’est surabondant. Tout réside dans les proportions.

Du naturel calculé
Alors que nous sommes à la fin de notre voyage, nous dressions depuis quelques temps -et de manière inconsciente- un bilan, une comparaison entre les contrées d’Asie et le Vieux continent. Nous étions unanimes : l’architecture du Vieux continent détrônait celle des pays d’Asie (d’extrême Orient, car l’Inde était à part dans ce classement), pour les paysages, l’Europe perdait au profit de l’opulence et de la richesse de cette nature asiatique.
Et maintenant, il y a un nouveau critère dans notre classement : les jardins. L’art du jardin est dominé, de très loin, par le seul Japon.

Avant, je disais volontiers à qui tentait de mon convertir à la main verte (maman, belle-maman, si vous ne vous reconnaissez pas c’est que vous faites un déni), que le jardinage et tout ce qui y avait attrait ne m’intéressait pas, je ne m’interrogeais pas sur l’identité d’une plante, sur ses caractéristiques, sur ses besoins etc... Désormais, ici au Japon, je m’interroge. Quel est l’arbre qui donne des feuilles aussi rouges ; Non pas le rouge cramé d’un automne français, qui s’apparente à un marron sans vie. Le rouge vif et pur. Quel est celui qui, loin de revêtir l’aspect terne du jaune paille, se pare de feuilles d’or ? 

Le mariage parfait des couleurs
Ici au Japon, nous découvrions que le Jardin était un art ; qu’il pouvait provoquer des émerveillements, des rêveries. Qu’il méritait d’être regardé en lui-même dans ses moindres détails, et qu’il ne servait pas forcément d’écrin pour une architecture ou pour des animaux.

Félicité

Arrêt sur un pont de bois
Dans ce jardin Kokoen qui fut en quelque sorte notre baptême, nous déambulions nonchalamment de jardins en jardins en nous extasiant sur les espaces réservés aux pins, aux bambous, aux érables, aux petits ponts de bois, sur des chaînes gouttières qui pendaient de certaines maisons traditionnelles plantées là, sur le positionnements des pas japonais, des pierres volcaniques, sur les puits et sur les bassins de pierre. Tout était apaisant ; même les couloirs séparant les jardins !

Les couloirs séparant chacun des jardins
Séparations en bamboo
Nous décidâmes, d’y rester jusqu’au coucher du soleil ;

Une fois que ce dernier fut dans les bras de Morphée,  nous entamèrent notre chemin vers le retour à la réalité, vers la gare, la tête dans les nuages. Dans ces mêmes nuages, le voyage des étourneaux nous captiva un instant et puis la réalité nous tira de nos nuages.


Train pour récupérer nos affaires à Osaka, chez Sam, puis train à nouveau direction Kyoto où l’une de nos plus belles rencontres nous attendait : Shuji, notre hôte à Kyoto.