dimanche 24 août 2014

Phnom Penh : La prise de conscience

« Qui proteste est un ennemi, qui s’oppose est un cadavre » Pol Pot.

On ne va pas à Auschwitz pour admirer le paysage. C’est pareil pour Phnom-Penh.

Et oui, à la différence des capitales Thaïlandaise et Laotienne, les lieux les plus visités de Phnom Penh ne sont pas son Palais Royal ou encore ses temples.

Non, ce qui attire le visiteur c’est la nécessité de comprendre comment le Cambodge en est arrivé à perdre 2 millions des siens (sur 8 millions d’habitants) en seulement quatre ans.

Le visiteur privilégiera donc la visite de la prison de Tuol Sleng (dite prison S 21) ou encore la « visite » des killing fields, ces champs transformés en charniers.

Faute de temps, nous ne visiterons que la prison S21, une ancienne école primaire de Phnom Penh transformée sous Pol Pot en centre de torture et d’extermination.

Le règlement intérieur
On nous avait prévenu : la prison n’est qu’une succession de pièces vides avec au maximum un ou deux objets.

Et pourtant le vide parle. Il crie.

Les salles de tortures se succèdent. En entrant dans chacune d’elles on se demande ce qui a pu se passer ici exactement. Et l’imagination se met en route à l’aide des objets et « indices » laissés là.

des interrogatoires ou l’entendu est allongé en enchaîné
Il y avait par exemple des salles meublées uniquement d’un sommier de fer déformé comme sous le poids d’une masse et au mur, une photo d’un détenu enchaîné à ce même sommier qui était encore droit.

Une salle d'interrogatoire

On se rend au bâtiment où les détenus étaient enchainés allongés (avant ou après la torture). Les « chaines » ou plutôt sortes de menottes que les détenus avaient aux pieds et aux mains sont toujours là, accrochées à la barre de fer commune.

Au centre de cette pièce les portraits des détenus de Tuol Sleng, leur numéro accroché autour de cou : des hommes, des femmes et des enfants. Il y a évidemment les intellectuels, les étrangers et leurs familles qui ont été arrêtés en premier. On continue de regarder ces portraits aux regards si différents : effrayés, perdus, dignes, incompris, résignés, combattifs…

Des hommes

Des femmes

 Des enfants
Dans la pièce d’à côté qui servait également à enchaîner de manière allongée les détenus, d’autres portraits : ceux d’autres victimes, qui avant d’être victimes étaient des bourreaux. Parce que lorsqu’il n’y a plus d’ennemis il faut s’en inventer pour maintenir le rythme, le débit des litres de sangs et des kilos d’os.

On passe ensuite dans les cellules « individuelles » des détenus. Par cellules individuelles il faut entendre un espace de 2 mètres par un, clos de murs de briques ou de bois et d’une porte percée d’une sorte de fenestron permettant aux gardes de surveiller à tout moment les détenus. Ces cellules « individuelles» étaient partagées par trois à quatre détenus.

Une cellule individuelle

des portes avec un fenestron pour être surveillé à tout moment.


On arrive ensuite dans la pièce ou sont conservés les registres des « interrogatoires ». Comme sur un CV, en haut à droite de la première feuille de l’interrogatoire était apposée la photo d’entrée à la prison (celle des portraits décrits plus hauts). Parfois, sur la dernière page il y avait aussi la photo de fin : la photo de la personne une fois morte (ou juste avant la mort) c’est à dire un corps amaigri, où certains membres manquent parfois, où un visage n’est plus un visage.

C’est ainsi que les khmers rouges conservaient la preuve que les ennemis du régime étaient supprimés.

Et qu’en est-il de la faute de ces prétendus ennemis ? Bien sure avouer qu’on est médecin, chef d’entreprise, qu’on a fait des études à l’étranger, qu’on est citadin, qu’on a un métier autre que paysan, c’est une faute dans les faits mais sur le papier il fallait une autre faute.
Celles soufflées par les bourreaux pendant les cessions de tortures étaient notamment l’appartenance à la CIA, l’espionnage, l’incitation à la révolte contre le régime… C’est celles là qui sont inscrites sur le procès-verbal de l’interrogatoire.
Et c’est ainsi que le détenu avait son ticket aller-simple pour les killing fields.

Enfin la dernière pièce est la plus satisfaisante : elle pointe les Hauts dignitaires Khmers rouges qui viennent d’être jugés par le Tribunal International ainsi que leurs peines (même si ces dernières paraissent bien maigres compte tenu de ce qu’ils ont fait). Trente ans après le génocide, d’autres hauts dignitaires attendent encore d’être jugés et font suspendre le procès sous tous les prétextes possibles, avec une préférence pour les prétextes médicaux, compte tenu de leur vieil âge.

Nous ressortons de Tuol Sleng vidés par une visite de pièces vides !

Nous décidons alors de visiter quelque chose de plus léger pour finir la soirée. Et puisque notre hôtel donne sur le musée national, c’est lui qui fut l’élu.

pas mal la vue de l’hotel !


 Devant c’est pas mal non plus
Extérieurement c’est une merveille : Une construction typique cambodgienne en bois rouge. La cour intérieure est, elle aussi très belle, avec son petit bouddha central autour duquel s’articulent quatre bassins tapissés de nénuphars.

Un bisou sous l’œil de Bouddha.
L’intérieur en revanche… c’est décevant. Enfin, si vous aimez les poteries cassées mises sous verre, alors ce musée est fait pour vous. Malheureusement de bouts de jarres par-ci par-là ne nous intéressent absolument pas de sorte qu’on a fait le tour du musée en 10 minutes chrono, sans se presser.

On quitte Phnom Penh pour la région poivrée de Kampot.

Quelques jours après notre visite de la capitale cambodgienne, le 7 aout dernier,  j’apprenais de mon cher Figaro que deux des ex-dirigeants Khmers Rouges ont été condamnés à perpétuité par le Tribunal international. Bien sure j’avais par le passé déjà appris la condamnation de dirigeants Khmers rouges. Mais après la visite de Tuol Slueng, une telle nouvelle avait en moi un écho plus fort ! Que ça continue jusqu’au dernier!

1 commentaire:

  1. Pourquoi mon commentaire a-t-il disparu ? je le remets. ça prend aux tripes cette visite.

    RépondreSupprimer