mercredi 30 juillet 2014

Sapa: Le coup de coeur vietnamien


Nous sommes entrés par la porte où nos ainés étaient sortis : à Dien Bien Phu.
Et en arrivant dans cette ville, symbole de la défaite de nos compatriotes, notre humeur était de circonstance.
Bon, pour être tout a fait honnête, ce n'est pas l’histoire de Dien Bien Phu qui a causé ladite humeur mais le trajet que nous venions d'effectuer.
Tout commença donc un frais matin a la gare routière de Luang Prabang (au Laos). Notre conducteur qui avait pour mission de nous déposer au pays voisin nous accueillit de manière totalement inattendue: en nous offrant gracieusement des sacs plastiques.  

Nous les refusions poliment. Depuis le temps que nous voyagions nous étions habitués aux inconvénients des moyens de transports, pensais-je naïvement.

Grave erreur…

C est donc la tête a la fenêtre du van que je me vidais ce jour là. Heureusement les autres passagers ne me virent pas, trop occupes qu’ils étaient  a remplir leur propre sac plastique.  

Quand la route et mon ventre me laissait quelques minutes de répit je me tournais vers Flo qui m énumérait le nombre de morts par an sur les routes Laotiennes et qui me demandait s'il ne valait mieux pas reprendre nos bagages et sortir de ce véhicule au conducteur fou. Pas ivre, non. Juste fou. 

Mais nous étions trop déterminés à arriver ce jour là au Vietnam.

Lorsque nous arrivâmes (chose extraordinaire en elle même) nous ne savions plus si nous voulions prendre le bus dès le lendemain pour Sapa, où attendre encore une peu  à Dien Bien Phu, histoire de nous remettre un peu de ce voyage aux allures de suicide collectif.

Le choix de la date de notre départ à Sapa a été guidé par un raisonnement logique : nous commencions à avoir peur du bus. Or, dans notre voyage nous ne pouvons pas nous permettre ce type de peurs. Par conséquent, pour ne pas laisser place à un traumatisme, il fallait reprendre le bus le plus vite possible, soit le lendemain. Nous prenions donc les billets de bus et filions nous coucher.

Le lendemain matin, mon ordinateur ne s’allumait plus… C’était sa première attaque cardiaque.

Après une nuit dans le bus tous nos problèmes semblaient réglés : nous n’avions plus peur du bus, le conducteur ayant conduit prudemment, et mon ordinateur se rallumait à nouveau.
Pour fêter ça on décide de se prendre un petit déjeuner bien de chez nous dans LA boulangerie de Sapa.
On a été bien inspirés : il semble que ce soit le point de ralliement des français. Comme c’est étonnant ! Inspirés par ces pains au chocolat, on ose toucher quelques mots à nos voisines.

Elles sont ici pour faire une mission humanitaire : aider à la construction d’une école pour les enfants défavorisés des montagnes et dispenser aux enfants qui sont déjà sur place des cours d’anglais. Je les soupçonne d’avoir vu notre envie bifurquer du pain au chocolat à la mission qu’elles nous décrivaient.

-       « Si ça vous tente, venez avec nous », nous proposa Alix !

Et c’est ainsi que nous arrivâmes à 4 à la guest-house de « Hope Sapa Center ». Avant le commencement de la mission nous avions une journée à tuer. On en profite pour louer des motos, et aller  explorer les montagnes et ses villages.

Ca commence plutôt bien...
On avait avec nous le meilleur guide de la région : Maï, une jeune vietnamienne, originaire d’Hanoï, qui travaille à plein temps à Hope Sapa Center pour coordonner l’action des volontaires et les guider.

Avec Maï
Bien que ce jour là était son jour de congé, Maï insista pour nous faire visiter les villages Hmongs aux alentours. Sa bonne humeur nous contaminait et on buvait ses explications sur les traditions et modes de vie des locaux. Lorsqu’elle ne connaissait pas une information, elle n’hésitait pas à demander la réponse pour nous et parfois même à demander aux locaux qui travaillaient dans les champs ou chez eux, de nous expliquer leur métier. Elle jouait alors le rôle de l’interprète. Bref toute une journée qui donnait le ton de ce que serait notre mission à savoir : Génial.

Flo en compagnie d'une chanteuse Hmong

Alix confiante

Poursuivie par des Hmongs!
Le lendemain matin, Maï nous accompagnait au centre, une bicoque de parpaings au milieu des rizières et des montagnes.

Cette fameuse semaine, nous étions 8 volontaires : un  italien répondant au nom de Marco, un couple d’autrichiens Elisa et Dominique, un allemand complètement zélé (pas d’alcool, pas de viandes, pas de clopes), Laurenz, qu’on appelait Lolo devant lui, et Bouddha derrière lui,. Pour moi c’était donc exclusivement Bouddha. Enfin, il y avait le groupe le plus fun : celui des français, composé des filles : Aude et Alix et de nous of course.
les enfants, Aude la photographe , Alix dite "not with us", Dominique, Elisa, Marco, Flo, Cha, Moi, Bouddha (ça se voit qu'il est super fun hein? )
Nos tâches devaient s’exercer l’après midi et consistait pour une partie d’entre nous à aider dans les champs autour du centre pour les cultures (riz, choux, artichaux…) pendant que l’autre partie donnait des cours d’anglais aux enfants qui venaient au centre. On alternait.


Genre mais genre. 
Pendant ce temps les enfants ils bossent ici!

Voilà qui est plus réaliste
Dans les rizières
Pour ma part, je n’ai exercé qu’une seule fois l’activité de « prof d’anglais » avec Alix, et… Dès les premières secondes j’ai su que je n’avais pas raté ma vocation. Une seule fois était bien amplement suffisant pour ma patience. Désormais, j'admire autant que je plains Florent d’avoir fait ça pendant un an.

Le reste du temps, on se reposait, on se baladait aux alentours, et on s’occupait des enfants qui restaient au centre. 

A table!
Sur un buffle; normal quoi.

Parmi eux, le petit Cha (prononcer Tcha) était mon petit chouchou.

Avec mon chouchou
Son histoire y est peut être pour quelque chose : Ce petit bonhomme d’environ 7 ans (personne ne connaît son age réel) est issu d’une famille Hmong. Très peu de temps après sa naissance son père décède, le laissant seul héritier d’un lopin de terre. Sa mère se remaria peu de temps après. Conformément à la tradition Hmong, c’est le nouveau mari qui décide de garder ou non les enfants issus du premier mariage de son épouse. Celui-ci a en l’occurrence, a refusé le petit Cha. L’enfant est alors passé sous la garde officielle de son oncle, le frère de son père.
Mais l’enfant ne pouvait espérer trouver dans son nouveau « foyer » la famille qui lui manquait. En effet, l’oncle est  le n°2 sur la liste des héritiers au lopin de terre. Autrement dit, au décès de Chat, c’est lui qui hériter de la terre de son frère défunt.

C’est ainsi que l’oncle laissait l’enfant à la merci de tous les dangers, le laissant à la rue quémander de la nourriture à qui voudrait bien lui en donner.

Un jour Cha découvrit le centre. Depuis il y revient tous les matins : A 6heures il frappait à la porte. Si initialement il venait y chercher à manger, il ne fait aucun doute qu’aujourd’hui Chat venait y trouver sa dose d’amour et d’attention : il nous rejoignait dans nos lits pour le câlin du matin, puis il demandait qu’on l’aide à faire sa douche, sa lessive, puis qu’on joue avec lui. Le tout sans parler un mot d’anglais, juste avec des gestes, des rires et un langage connu de personne (même de pas de Maï qui ne parle parlait pas Hmong).

Peter, le président de l’Association a tenté de parler à l’oncle, lui a demandé d’abandonner la garde de Cha pour qu’il puisse l’avoir lui, afin que l’enfant dorme au centre et non pas dans la rue. Mais en signant de tels papiers, la terre convoitée reviendrait au gouvernement vietnamien. L’oncle refuse donc. Peter refuse quand à lui d’abriter Chat pour la nuit de peur qu’il ne soit dénoncé (notamment par l’oncle) pour enlèvement d’enfant et que son centre d’éducation ne soit fermé.

Une triste routine rythmait donc la vie du petit Cha : chaque matin il revenait les yeux pleins d’espoirs et le sourire aux lèvre et chaque soir après le dîner il repartait les yeux sombres et humides pour passer une nuit… on ne sait où… mais pas au centre.

Parfois, je me demandais si Peter ne faisait pas un peu trop de zèle à refuser que Cha dorme au centre, risquait-il vraiment de voir fermer son centre, les policiers avaient-ils vraiment ce pouvoir ?

Je n’ai pas tardé à avoir la réponse à cette question.

Un soir alors que nous (tous les volontaires) discutions dans le jardin du centre au alentours de minuit, 4 policiers entrèrent et demandèrent à parler aux propriétaires. Seule Maï était là : Peter était reparti à Sapa. Ca ne sentait pas bon : les policiers nous montraient du doigt et adoptaient un ton ferme. Nous nous eclipsions dans nos chambres. Flo écrivait à nos parents pour décrire ce qui se passait et nommait tous les volontaires qui étaient avec nous. Pendant ce temps les filles et moi cherchions le numéro de téléphone de l’ambassade française dans nos livres. Le numéro de l’ambassade était prêt sur nos portables, nos proches étaient prévenus. Si la situation devait dégénérer, nous avions fait ce que nous devions faire.

Dans la pièce d’à côté la discussion continuait. Ouf… on entendait la voix de Peter qui était revenu. Au milieu de ce langage qui nous est inconnu on reconnaissait le mot « homestay ». Le problème c’était bien nous. Dans un pays communiste où l’étranger ne doit pas dormir chez les locaux et où le homestay est très récemment toléré à condition de payer un pot de vin aux flics, des blancs chez des vietnamiens ça fait tache. Peter criait que ce n’était pas un homestay puisque nous étions volontaires, les policiers semblaient refuser l’argument. Peter mis la main à la poche, le ton a baissé, ils sont partis.

Le lendemain, j’interrogeais Peter sur l’événement de la veille. Il éclata. Il était à bout de toute cette corruption, il criait qu’il voulait juste aider les enfants, qu’il avait refusé que son centre soit financé par le gouvernement pour éviter ces pressions, pour rester libre de son enseignement, et finalement il était quand même victime des injustices de cet état policier où chaque membre veut s’en mettre plein les fouilles plutôt que de faire régner un ordre juste.

Tout n’était donc pas si rose dans ce centre de l’espoir. Pour les enfants le centre est un paradis, pour nous volontaires c’est une belle histoire, pour Peter c’est un combat.

Si vous cherchez à parrainer un projet fiable et bon, n’hésitez pas à soutenir Peter dans son projet, voici sa page facebook.



PS : Voilà l'album photo

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