Nous sommes enfin de retour de notre trek à cheval, et
mon derrière ne s’en remet pas. La ficelle qui fixait le coussin en cuir sur
son socle en bois a bien fait son travail et mes cuisses sont proprement
brulées.
A peine le temps de nous
décrotter les chaussures que l’on est déjà sur le départ pour rejoindre un membre
de la famille de Bayara, Honda. Il possède une « ferme » et c’est le
but de notre venue ici : partager la vie d’une famille de fermiers,
s’occuper de leurs bêtes, couper du bois, nouer des liens et échanger pendant
une semaine. Une expérience inoubliable en perspective. On espère toutefois que
nos hôtes seront plus accueillants que notre guide lors du trek qui passait
tout son temps sur son téléphone.
Nous voilà donc entassés dans la
voiture de Bayara en direction de la campagne (difficile d’imaginer un endroit
encore plus perdu que son village, et pourtant…). Après quelques minutes sur
une route presque goudronnée, nous nous engageons dans les collines en dehors
de tout chemin existant. C’est parti pour une bonne heure de
« route » plus ou moins chaotique au creux d’un val entouré de pins.
Toutes les 20 minutes, on aperçoit une yourte au milieu de nulle part et
régulièrement des troupeaux de Yaks, chèvres et moutons. L’endroit est
idyllique.
Enfin, Bayara nous indique la
« ferme » où nous allons passer une semaine, et peut être même deux
si tout se passe bien.
La ferme... |
En fait de ferme, ne se trouve
devant nous qu’une yourte et un enclos vide à côté. Pour les Mongols nomades
(car c’en sont) une ferme c’est ça…
Nous pénétrons dans la yourte,
ronde et de 4m de diamètre. Un poêle au milieu apporte une chaleur bienvenue et
2 lits pour une personne chacun longent les bords de la tente. Honda est là pour nous
accueillir avec sa femme et leur bébé de 4 mois dans les bras. Le confort et
l’hygiène (pas de salle de bain, ni même de point d’eau en vue) n’est donc pas
une priorité des nomades. Je comprends immédiatement que ce type d’expérience
spartiate ne va pas être qu’une partie de plaisir, et lorsque Bayara nous
demande, avant de partir, quand il doit revenir nous chercher, je lui donne
rendez-vous, sur sa recommandation, 5 jours plus tard.
Honda a l’air très sympathique
et bien qu’il ne parle pas anglais, cherche à communiquer avec nous. Sa femme
quant à elle semble plutôt taciturne, mais parait fort aimable avec son bébé tout
rond.
Honda et sa fille |
Sa femme et sa fille |
Comme il va bientôt faire nuit,
nous mangeons quelques tartines de beurre/crème fraîche en guise de dîner et
tentons d’établir un lien avec nos hôtes. Pas facile de communiquer, mais entre
gens simples on semble arriver à créer quelque chose. Tout à coup, des bruits
de sabots lourds viennent troubler le calme ambiant. Après plusieurs
répétitions de ce qui nous semble être un ours qui charge la yourte, Honda sort
avec une minuscule lampe de poche pour voir ce qu’il se passe. Il revient
quelques instants plus tard et nous fait signe de le suivre. Il se passe
quelque chose d’inhabituel, nous enfilons nos manteaux et sortons dans la nuit.
Je pense avoir souvent vu de beaux cieux étoilés, mais celui-là… Sublime. Un
ciel pur, à des centaines de kilomètres de la civilisation, sans aucune
pollution lumineuse. Le spectacle est à couper le souffle.
Vous vous en doutez cependant,
ce ne sont pas les étoiles qui font le bruit qui nous a fait sortir. On
grimpe une côte derrière la tente, et, à la lumière de nos faibles lampes de
poche, on distingue enfin l’origine du vacarme : 2 yaks en plein combat de
mâle alpha ! Ils se battent pour décider d’un nouveau chef de troupeau.
Incroyable ! Le combat est extrêmement violent, les bêtes prennent leur
élan et s’assènent de violents coups de tête. L’un est très poilu et semble
bien plus massif que l’autre. A plusieurs reprises, nous nous écartons pour ne
pas nous faire piétiner. Puis, après quelques minutes, le plus chétif des 2
finit par chasser l’autre, et regagne le troupeau.
Le combat des titans |
Quelle expérience !
Notre volontariat commence sur
les chapeaux de roues, et nous allons nous coucher des étoiles poilues, plein
les yeux.
Après une nuit inconfortable et
froide (une fois le poêle éteint, la température baisse rapidement dans la
tente), nous prenons le petit déjeuner, encore les mêmes tartines, puis
j’accompagne Honda chercher de l’eau tandis que Sibylle reste dans la tente. Nous
nous aventurons dans une tourbière (je ne m'en rends d'&ailleurs compte qu’après avoir
allègrement enfoncé mon pied dans l’eau glacée). Nous remplissons 2 jerricans et revenons cahin-caha jusqu’à la
yourte. Une fois installé bien au chaud, Honda me fait comprendre que la
prochaine étape de la journée doit durer jusqu’à 15h. Il est à peine 10h et nous
sortons de la yourte en direction de l’enclos juste derrière. Les moutons et
les chèvres (Yama en mongol) sont bien entassés les uns sur les autres à
l’intérieur. Honda me confie la tâche facile de compter les biquettes tandis
qu’il comptera les moutons. Je suis prêt. Il ouvre la porte légèrement pour
réguler le flux. Les Yamas se précipitent, se montent dessus, le spectacle est
amusant… Mais je dois compter ! 10, 15, 28, 32, 45, 80, 150, 135, Aaaaaaaah ! j’ai perdu le fil.
Tiens ? Voilà le premier mouton qui
sort, et si je les comptais, ils ont l’air moins nombreux, 1, 2, 3, 4,
10, 20, 30, 50, 77. J’ai réussi à compter les moutons, je lui ferai croire que
c’est ce que j’avais compris.
(Afin
de faciliter la compréhension pour le lecteur, tous les dialogues évoqués dans
cet article sont des transcriptions d’échanges muets à base de gestes, NDLR)
-
J’ai
compté 77 moutons
-
Tu
devais compter les chèvres…
-
Bah
j’ai quand même compté les moutons, j’ai le bon compte ?
-
Moi
j’en ai compté 78, mais tu dois certainement avoir raison.
-
Ah ???
et les chèvres tu en as combien ?
-
…
Je ne sais pas, tu devais les compter…
Incroyable… Un éleveur qui ne
sait pas combien de bétail il possède… Ce n’est pas vraiment mon problème,
m’enfin quand même, c’est un peu je-m’en-foutiste nan ?
Enfin ce n’est pas le moment de
perdre du temps. Les bêtes commencent déjà à s’éparpiller joliment tout en
grignotant l’herbe jaune qui nous entoure. Je me demande ce que l’on attend,
mais comme Honda s’allume une clope et s’accroupit, j’en profite pour faire de
même. Au bout de quelques minutes, je demande à Honda ce qu’il se passe. Il me
montre les collines qui nous entourent du bout du bras, en commençant par la gauche,
puis fait un grand arc de cercle jusqu’à la forêt à droite, puis me remontre
la yourte. On va donc faire une sacrée
ballade !
-
On
y va ?
-
Oui,
tu y vas.
-
Tous
les 2, n’est-ce pas ?
-
Oui,
oui tout seul.
-
Quoi,
moi tout seul ?
-
Oui !
C’est ça, tu vas là-bas (il étire son bras autant qu’il peut à gauche) puis
là-bas (il aimerait bien pouvoir étendre le bras encore) puis tu passes
derrière la colline là, et puis derrière
celle-là et par-dessus celle-ci, et là, et là et puis dans la tourbière pour
les faire boire, et tu reviens.
-
…
… …
-
Voilà,
à tout à l’heure.
Il rentre dans la yourte.
Les biquettes se baladent |
Les bêtes (qui ont beau ne pas
avancer très vite) ont déjà parcouru une bonne partie de la balade. Je les
rattrape rapidement et commence à les
suivre, convaincu qu’elles connaissent, mieux que moi le chemin. Une fois les
premières collines dépassées, je ne remarque cependant pas de modification dans
leur trajectoire, qui semble n’être motivée que par la découverte d’herbe plus
fraîche. Je commence alors mon travail de berger, et tache de les diriger
vers la droite. Je crie (comme j’avais entendu honda faire) :
« TCHAI, TCHAYYE, TCHTCHTCHAAAYYYEEE ». Les yamas m’ignorent
copieusement. Les moutons, eux ne font que suivre les chèvres. Je commence à
lancer des bâtons pour les faire changer de direction, ça marche… Enfin
presque, puisque j’ai maintenant coupé le troupeau en 2, la moitié va dans la
bonne direction, mais les autres… sont maintenant trop loin pour que mes bâtons
les orientent. Le sport va commencer. A vos marques, prêt, partez !
Florent est en première ligne,
il bouscule les moutons terrifiés par ses cris de guerre ! Il commence à
escalader la colline, il est dans une forme olympique, il avale les mètres tel
un Virenque sous E.P.O ! Quelle performance ! Mais, que se passe-t-il ?
Il semble faiblir, la côte serait-elle trop raide ? Le voilà presque à
l’arrêt, ses pieds semble peser 3 tonnes chacun. Il est presque au but, il
s’arrête, Ahlala quelle tragédie… Si proche, mais si loin…
Avec le troupeau ! |
Je m’assieds, le sport c’est pas
mon truc. La bonne nouvelle c’est que je suis à nouveau à portée de bâton des
bêtes les plus éloignées. Je les canarde donc, de bâtons d’abord puis de
pierres, et enfin (j’en suis pas fier, mais bon…) de bouses de Yaks séchées….
Et oui, on fait avec ce qu’on a.
C’est donc après un effort
surhumain que je rassemble mon troupeau et le dirige dans la bonne direction.
Si je me souviens si bien de cet instant, c’est parce qu’il n’aura pas cessé de
se reproduire tout au long de notre séjour là-bas. 3, 4, jusqu’à 10 fois par
jour. On se marre moins là hein ?!
Un instant de méditation |
Il est 13h, ça fait 3h que je
promène ces maudites bestioles, incapables de bouffer l’herbe sans bouger. Et
oui, j’ai appris ça, les ovins en pâture ne s’arrêtent jamais, ni de marcher ni
de mastiquer. J’ai ramassé un grand bâton qui agrandit mon envergure et me permet
de diriger les yamas plus facilement. Bref, il est 13h et j’ai la daaaaalle…
Comme je ne m’attendais pas à ça, je suis parti sans le Snickers de survie. Une
idée de fourbe commence alors à germer dans mon esprit de mécréant : dans
la yourte, il m’a montré le 3 sur l’horloge pour me dire de revenir à 15h. Mais
je peux peut être faire semblant d’avoir compris que je devais rentrer dans 3h. Mais
OUI ! Évidemment ! Quelle
idée ! Je suis un génie du mal, mouahahaha !
« TCHAAAAYYYYEEE Tchayyye,
on rentre au bercail les poulettes ! Yahoooo »
« HEEEEEY, mais tu fais
quoi là ?? »
-
Qui
me parle ?
-
C’est
moi, la bergère en bas de la colline qui vient de comprendre ce que tu veux
faire.
-
Et
alors ? Je te connais pas moi. C’est pas tes bêtes que je promène.
-
Peut-être,
mais là c’est pas l’heure de rentrer, t’en as encore pour 2h !
Nan mais c’est pas vrai. Je
rêve, je nage en plein délire, on dirait qu’elle a lu dans mes pensées
celle-là. Et maintenant, je ne peux évidemment pas rentrer après ça. Je
m’étais donné tellement de mal pour les
faire aller dans la bonne direction… J’en pleurerai si ça n’était franchement
pas une situation aussi cocasse qu’improbable.
Bref je tourne encore en rond,
et revient donc comme convenu vers 15h (il était plutôt 14h45, mais bon, faut
pas pousser non plus). Sur ordre d’Honda, je laisse les bêtes tranquillement
devant la yourte, et commence à déjeuner (toujours les mêmes tartines) sous les
regards curieux de quelques jeunes de la famille de passage dans le coin.
Je demande à Sibylle comment ça
s’est passé :
-
Super !
j’ai fait la lessive et la vaisselle pendant que les autres discutaient. La
honte…
-
Ah ?
et t’as appris à faire la cuisine ? t’es allée traire les yaks ? Tu
t’es bien amusée ?
-
Non,
non et non. Le bébé a chialé, j’ai dû lui faire des câlins… J’aime pas les
bébés…
-
Cool.
Sibylle fait semblant... |
Au bout d’une demi-heure de
pause, tout le monde dans la tente commence à s’agiter, en me regardant, et en
répétant : Yamas, Yamas, yamas.
On finit par me faire sortir,
évidemment les chèvres ne sont plus là… Tant pis pour eux, moi j’ai fait mon
boulot, et je ne sais pas où elles sont parties de toute façon.
-
Ah
mais si ! C’est justement ça ton boulot : les promener le matin
jusqu’à 15h, puis aller les chercher et les ramener devant la yourte toutes les
2h jusqu’à 20h.
Quelle galère la vie berger…
Heureusement cette fois-ci, Sibylle m’accompagne, elle qui rêvait d’être
bergère quand elle était petite, elle va être servie.
On parcourt donc les collines
avoisinantes à la recherche du troupeau. Grace aux indications des nomades
voisins, on finit par le découvrir étalé dans une forêt d’arbres jaunes. Ça
fait plus d’une heure qu’on les cherche, ça nous prendra une heure de plus pour
les rassembler et les ramener. Là encore, pause d’une demi-heure, et on repart…
pendant que tout le monde glandouille bien au chaud dans la tente.
Il est enfin 20h, la nuit est
tombée, et l’on termine de dîner. Pour une fois ce n’était pas mauvais,
quelques nouilles avec un peu de viande.
La veille, j’avais fait découvrir
la magie à Honda avec quelques tours de cartes qui l’avaient complètement
éberlué. Aujourd’hui, Honda me demande de les refaire aux jeunes de la famille.
C’est un succès immédiat, et mon ego de magicien gonfle comme un ballon. Je
leur refais chaque tour de nombreuses fois, puis finis par leur dévoiler la
plupart des trucs. Tous sont choqués par la simplicité de certains tours, mais
seule une fille, une peu plus maline que les autres, les comprend tous. Bref,
on passe une soirée sympa, après une journée plutôt éprouvante. Finalement tout
le monde se couche, on est une bonne douzaine dans la tente. Ce n’est pas très
confort, mais bon… Et merde, voilà les mômes se mettent à papoter. 10 minutes,
30 minutes, RAAAAAGHHH, je suis crevé et je ne peux pas dormir à cause de ces
mioches ! Sibylle non plus d’ailleurs.
-
OOOOH !
c’est pas un peu fini ce bordel ! », c’était la phrase préférée du
pion du dortoir dans mon internat, à Juilly.
Le calme s’installe… pour 5
minutes. Ils recommencent, du coup je gueule une nouvelle fois, cette fois, on
m’ignore. Sibylle n’est pas contente et moi non plus, alors elle me le fait
comprendre à haute voix. Nous nous lançons donc dans une bruyante discussion
sur les bienfaits du silence, qui finit enfin par arriver.
Le lendemain, les enfants repartent
en en laissant 2. Le fils et la fille de notre famille. Nous sommes donc 7 à
vivre sous la yourte… La petite fille est plutôt mignonne mais dit toujours « No,
No, No » à tout, et ses parents laissent passer. Quant au garçon, c’est la
tête à claque par excellence. Du haut de ses 10 ans, il sait tout mieux que
tout le monde, répond à tout le monde, et fait ressentir sa supériorité à tout
le monde, en particulier son père qui sait à peine lire… Bref, 2 enfants parfaitement
mal élevés…
Le bon berger rassemble ses brebis égarées... |
Le lendemain, je repasse la (presque)
même journée solitaire, à crier après des chèvres récalcitrantes. Je dis presque car je ne suis pas passé loin d'un drame diplomatique : après
avoir suivi les biquettes jusqu’en haut de la plus haute colline du coin, le troupeau s’était
particulièrement étendu. J’ai donc entrepris de le rassembler, puis
de le diriger vers la vallée. J’y arrive de mieux en mieux, et je suis carrément
fier de mon exploit : « Quel berger incroyable tu fais mon Flo ! ».
Ce n’est qu’une fois redescendu tout en bas (20 minutes de marche, tout de
même) que le berger voisin, me montre le haut de la colline d’où je descends.
Une trentaine de mes chèvres et moutons y sont restés… Je hurle de rage. TANT
PIS POUR EUX ! Et de toute façon, on ne confie pas la totalité de sa richesse à quelqu’un,
qui n’a jamais encadré de bétail, sans aucune explication ! Mais malheureusement pour moi, je
ne suis pas un mécréant, me voilà donc à remonter la côte, à la poursuite des
bêtes, que je finis par rattraper bien que les ayant perdus de vue pendant la
plus grande partie du trajet. Après de nombreux efforts, j’ai enfin réuni mon
troupeau. Et je rentre pour déjeuner.
Sibylle aussi quant à elle, a
passé une super journée à faire la
lessive et la vaisselle, jusqu’à 15h, sous le regard narquois des enfants-roi
de la maison et de nomades de passage. C’est comme ça dans la steppe, tout le
monde est accueilli toute la journée, et peut grignoter un peu de pain et de
fromage ou bien du thé (un mélange de thé et de lait de yak, pas mauvais) pour
se réchauffer. C’est l’entraide qui prime ici, sauf pour les étrangers,
parait-il… Lors de la deuxième partie de la journée, cependant, Sibylle leur a
fait comprendre qu’il n’était pas négociable qu’elle ne la passe pas avec moi à
chercher les chèvres.
Un nomade de passage |
Le soir, on me demande de
refaire des tours de magie pour les 2 enfants qui n’avaient rien compris. Ma
motivation s’affaiblit, ça fait 3 jours de suite que je fais les mêmes tours
aux mêmes personnes, et c’est un peu fatigant.
Le 3ème jour, ma
journée débute à l’image des autres, hormis le ciel gris et les nuages bas qui
n’annoncent rien de bon. Au bout d’une vingtaine de minutes, cependant, j’aperçois
une silhouette bien connue qui se rapproche de moi d’un pas gaillard. « FLOOOOOOOOO ».
C’est Sib qui arrive et elle n’a
pas l’air content. La voilà qui arrive à ma hauteur. « Ça fait une heure
que j’essaye de te rattraper ». « Ah ? Je ne t’avais pas vu… ».
Sibylle arrive ! |
-
Pourquoi
t’es là ? Ça s’est pas bien passé ?
-
C’est
le moins qu’on puisse dire ! Tu sais le chiourme (comprendre le bébé) qui fait
d’habitude caca, porté par ses parents, par terre dans la tente et ensuite Honda
ramasse avec le couteau qui sert à faire la cuisine? (la vaisselle est faite à l’eau sans produit bien sur)
-
Oui,
et ?
-
Eh
bien là, elle a fait dans sa lange, et elle avait la coulante.
-
Ah,
et ?
-
Bah,
la mère m’a demandé de laver la lange pleine de marde avec à peine plus qu’un
verre d’eau, et j’ai dû me battre pour avoir un savon.
-
Oula…
C’est pas cool ça.
-
Nan !
Surtout qu’il y avait des invités. Franchement la honte. Même elle, elle ne l’aurait
pas fait. Je m’en fous, demain, on se barre.
-
Ok,
de toute façon moi aussi j’en ai marre de passer mes journées tout seul dans le
froid.
D’ailleurs à propos de froid,
voilà qu’il se met à neiger. Les bêtes sont rapidement toutes blanches et la
balade continue jusqu’à 15h comme prévu. Le paysage a bien changé.
Les bêtes apprécient... |
Un aigle nous surveille |
Sous la neige |
A notre retour, nous sommes
surpris de découvrir la tente complètement bondée. Une trentaine d’enfants de l’école
du village (où Bayara vit) sont là. On ne comprend pas trop ce qu’ils font ici,
mais l’un d’entre eux parle à peu près anglais, ce qui impressionne beaucoup
tout le monde.
En tout cas, pour les recevoir,
ce n’est pas quelques tartines de beurre au sucre qu’on leur sert. Ce sont des
invités d’honneur qui méritent nettement mieux. Honda a tué un agneau et l’a
fait cuire à l’étouffée avec des légumes et des patates. La bête n’est presque
pas découpée, les morceaux pleins de gras sont les plus prisés. Tant mieux pour
nous, mais quoiqu’il en soit, manger à la main de tels morceaux de viande n’est
pas franchement évidemment. Il s’agit là du plat national comme nous l’explique
le jeune qui parle anglais. Tous en semblent très fiers…
Les enfants finissent enfin par
partir, et compte tenu du temps dehors, le fils de honda (le petit prétentieux)
avec qui j’essaye de sympathiser malgré tout, décide de nous accompagner pour
nous aider à chercher les « yamas ».
A peine les bêtes en vue, le
voilà qui siffle et toutes les bêtes se rassemblent et partent dans la bonne
direction… J’hallucine. Ils n’auraient pas pu me le dire plus tôt ? Je me
suis tellement crevé à gueuler, courir et lancer des bâtons et des bouses de
yak… Je suis dégouté.
Bref, on ramène les bêtes, et je
commence à expliquer à Honda que nous souhaitons partir le lendemain, qu’il lui
faut donc appeler Bayara pour qu’il vienne nous chercher. Après un court
échange avec Bayara, où je lui sors une excuse bidon impliquant la mère de
Sibylle de passage à Pékin et notre besoin de la rejoindre rapidement. Il
viendra nous chercher le lendemain matin. Honda quant à lui, parait très déçu
et sa femme ne nous adressera plus la parole.
-
Mais
vous deviez rester 1 semaine ? Finalement, en arrivant vous aviez dit 5
jours, et maintenant vous partez au bout du 3ème…
-
Bah
oui, on n’est pas du personnel gratos!
Non mais je rêve quoi. Si on fait ce
genre de volontariat, c’est avant tout pour une expérience humaine où l’on
échange avec nos hôtes, pas où l’on se fait exploiter par des nomades qui
croient avoir trouvé le bon filon en exploitant des occidentaux.
En partant le lendemain, on leur
laisse tout de même un tube presque plein de Biafine car Honda s’est fait mal à
la main en essayant d’installer sa parabole pour capter des images sur une
minuscule TV noir et blanc (Ça faisait 3 jours qu’il essayait de la faire marcher).
Au petit matin |
Le paysage s’est transformé :
au lieu d’herbes et d’arbres jaunes, c’est du blanc à perte de vue. C’est
magnifique et tellement pur. Dommage que l’on parte aujourd’hui. D’ailleurs
voilà Bayara qui arrive. Sa voiture, qui n’est pas un 4x4, n’a pas dû s’amuser
pour arriver jusqu’à nous. Nous partons enfin, avec les enfants qui doivent
retourner à l’école. Ils sont en pleurs, ils crient, les parents leur font des
câlins sans fin. Je ne suis pas sûr qu’ils les aient bien mérités, mais bon. On
part enfin… pour se retrouver complètement enlisés à 300m de la maison. J’essaye
de pousser la voiture, me prend plein de boue/neige dans la figure, mes pieds
sont congelés, Sibylle aussi vient aider. Les enfants restent à l’intérieur. Au
bout d’une demi-heure, je propose à Bayara de mettre du bois sous les roues,
mais il m’envoie promener comme un bon étranger qui ne connait rien. Je décide
donc de regarder les opérations sans lever le petit doigt. Des nomades de
passage viennent enfin nous aider, et au bout de 5 minutes, ils vont tous
chercher du bois, le glissent sous les roues, et hop magie ! La voiture
repart.
Quelques heures plus tard, nous
voilà dans le bus direction Oulan-Bator. Nous sommes au dernier rang, et un ivrogne,
qui est monté avec 4 pneus dans le bus (va savoir pourquoi...?), tente de nous embêter, tant pis pour
lui, on le repousse avec nos pieds jusqu’à ce qu’il aille ennuyer d’autres
français qui n’ont pas notre tact et qui se feront enquiquiner toute la nuit.
Le trans-mongolien, beau comme un camion |
Les chameaux de Gobi |
2 jours plus tard, nous prenons
le transmongolien pour la Chine, direction Pékin, puis Shanghai ! Le train
est magnifique, et nous retraversons une partie du désert de Gobi dans le sens
inverse qu’à l’aller. Nous y verrons même quelques chameaux. La particularité
de ce train, c’est que lors du passage de la frontière, il s’arrête pendant
3-4h durant lesquelles les roues sont changées pour des roues moins larges. L’opération
est admirablement menée et le train n’a pas une minute de retard !
Le changement de roues ! |
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