mardi 9 août 2016

Matsumoto 松本市 : des nuits à l’hôtel


Matsumoto est une  petite ville japonaise. Tellement petite le site couchsurfing est définitivement vide concernant cette destination : aucun hôte pour nous accueillir. Il nous fallait donc réserver des hôtels et mettre une croix sur la chaleur de ces rencontres.

Qu’à cela ne tienne, nous en profiterons pour tester l’une des extravagances japonaises concernant l’hébergement nocturne.

Plusieurs alternatives : Un « Manga Kissa », sorte de bar/bibliothèque de Manga qui propose un box privé pour dévorer les BD Japonaises. Ces établissements étant ouverts toute la nuit, ils sont souvent utilisés comme hôtels par la jeunesse. Compte tenu du confort limité du box alloué, nous n’étions pas convaincus par ce « nid ». La deuxième alternative c’était le « love-hôtel », un hotel dont les chambres sont à thème (savane africaine, prison avec ses chaines et ses menottes, chambre-miroirs…) pour assouvir tous nos besoins, ou plus justement nos envies. Mais bon, pour être francs, ça ne nous vend pas tellement du rêve et du romantisme tout ça, surtout lorsque l’on voit que les tarifs sont indiqués à l’heure passée, et que l’on se souvient que les seuls hôtels qui pratiquent des tarifs horaires, en France, sont les hôtels de passe. Amis du romantisme, passez votre chemin. Troisième alternative le capsule-hôtel. Mouai : je ne suis pas un médicament, donc je ne suis pas concernée !
Dernière alternative le Ryokan. Il s’agit d’un hôtel traditionnel japonais, où le bois, le bambou, le papier de riz, et les autres matériaux typiques japonais sont mis à l’honneur. Ces hôtels ont la particularité d’être construits sur un Onsen, une source thermale et disposent donc leurs bains privatifs. De manière générale, la tradition guide le séjour au sein d’un Ryokan tant concernant le couchage, que les repas. Seul hic : c’est  l’alternative la plus chère. Vous me connaissez, radine comme pas deux, je refuse de but en blanc de dépenser autant dans une seule petite nuit. Mais vous connaissez aussi Flo : quand il s’agit de dépenser il est toujours partant. Un débat s’instaure. Il emploi toutes les carottes au bout du bâton : les plats dignes de chefs étoilés, l’usage de l’onsen à volonté, une décoration japonaise des plus raffinées.... Une fois n’est pas coutume, il gagne la joute oratoire. Nous testerons donc le Ryokan.

Mais puisque nous devons rester deux nuits à Matsumoto, la première nuit sera réservée au sein d’une guest-house de backpackers – dans le cadre du débat j’étais parvenue à faire accepter à Flo que si l’une des nuits devait être chère, l’autre se devait de battre toute concurrence -, et la seconde dans un Ryokan.

Nous ne sommes pas encore partis d’Hotaka. Le train régional sensé nous mener à Matsumoto n’arrive que dans une heure. Notre ventre prit donc la sage décision de se remplir d’une soupe de Ramens avant d’embarquer. Il nous guida jusqu’à la « brasserie » de Ramen située quasiment face à la gare. Sauf que pour que notre ventre soit rassasié, il faut que notre cervelle travaille. En effet, s’il y a bien, comme à l’accoutumé, des cuisinières-serveuses derrière le comptoir, celles-ci ne prennent pas les commandes et nous renvoient face au distributeur situé à l’entrée du restaurant.
Nous mettons quelques temps à comprendre. Est-ce le distributeur qui pond les Ramen, auquel cas, on désertera l’endroit, où les cuisinières qui s’affairent derrière le comptoir? Les méninges bouillent, le ventre râle « mais qu’est-ce que vous faites bande d’abrutis dépêchez-vous ! ». Ca cogite dur dans notre tête. Finalement, l’un des neurones surdoués -évidemment un des miens-, parvient à un raisonnement par analogie en se souvenant du Sacro-Saint restaurant du voyage : le MacDo. Celui qui avait toutes les faveurs du Floflo. Euréka ! Il suffit d’insérer le montant du Ramen choisi dans la fente, d’appuyer sur ledit Ramen, et la machine nous délivre un ticket que nous n’avons plus qu’à tendre aux serveuses.
Nous nous exécutons et voyons bientôt notre souplette arriver. Le ventre se tait.Nous sommes maintenant prêts à partir !

La récompense d'un repas
Arrivés à Matsumoto, nous nous dirigeons vers la guest house réservée. Ca y est, la voilà. Personne. Elle semble désertée. Nous faisons le tour, nous frappons à la porte. Rien. Et comme si ça ne suffisait pas, une pluie persistante nous démoralise. Une dernière fois nous frappons sur la baie-vitrée arrière. Des pas. Une jeune femme nous ouvre et nous confirme que nous sommes à la bonne adresse. Ouff ! Elle nous montre notre chambre. Pourtant nous avions réservé dans un dortoir… Oui mais ce soir il y a si peu de clients que nous avons notre chambre à nous ! Finalement on s’en sort pas si mal !

Nous posons nos sacs et hop, c’est parti pour la visite du château de Matsumoto, situé à 5 minutes à pieds de notre hôtel.

Il est sombre avec ses habits de bois noir. Mais qu’est-ce qu’il est classe ! Il repose sur un socle de pierres et est entouré de douves remplies d’eau dans lesquelles il se regarde. Le miroir d’eau est piqué par les gouttes de pluie, et il semble parfois se briser au passage des cygnes.  

Matsumoto-jo le beau
Matsumoto-jo le corbeau

Bon c’est bien beau tout ça mais il est temps d’explorer le ventre de la bête, histoire de voir si ce château est vraiment comme on les aime, c’est-à-dire un terrain de Cluedo grandeur nature. Et bien non ! Toujours pas de cuisines, pas de latrines, pas de salle de bal, pas d’antichambre. Rien. Ce Trésor national était, lui aussi, entièrement vide. Tout comme l’Himeji-jo et l’Hikone-jo, le Matsumoto-jo n’avait qu’un rôle militaire : défendre un territoire et surtout dissuader. Donc pas de fioriture superflue, que le stricte nécessaire en temps de guerre, c’est-à-dire que dal !

Nous faisons vite le tour, et choisissons d’admirer la chose de là où elle est la plus belle : l’extérieur.

Flo et Matsumoto-jo
Après l’avoir pris sous toutes ses coutures en photo, nous décidons d’explorer le centre de la vieille ville de Matsumoto qui se résume à quelques petites rues abritant des boutiques d’artisanat. Nous faisons le plein de nos cadeaux et souvenirs en craquant sur de très jolies pièces de laque, et notamment un magnifique service de saké, et sur un hobby –l’espèce de nœud dans le dos des geichas-.

Les rues du centre-ville

belle vision nocturne
Le lendemain une véritable expérience nous attendait : la vie dans un Ryokan.  Le bus nous dépose dans une zone ressemblant à un petit village. Notre auberge trouvée, celle-ci nous informe qu’aucun check-in ne peut se faire avant 15h00.
L’attente fait marcher nos imaginations : je me vois déjà dans le décor de mémoire d’une Geisha, me peinturlurant la figure de blanc- même si je n’ai pas besoin de ça pour être blanche comme un linge-, déambulant en kimono sous une ombrelle de papier, et nageant dans des bains en pleine montagne… « Sibylle ! », m’interrompit Flo, « c’est bon, le Monsieur a dit qu’on pouvait y aller et suivre la dame ».  Je sors de ma rêverie, ôte mes baskets, chausse mes patins et suis la femme qui nous mène dans notre chambre. Notre attente s’expliquait : comme la tradition le requiert, nous devions attendre l’okamisan –la gérante des lieux-, qui seule peut nous conduire à travers l’auberge. L’ambiance est des plus paisibles. La dame ouvre une première porte en barreaux de bambou, puis une seconde porte en papier. Voilà notre chambre. Notre chambre ? Que dis-je…notre suite qui se composait d’une entrée, d’un espace de vie et d’une sorte de jardin d’hiver.
L’okamisan nous remet deux yukatas, sorte de kimono à motifs bleus et blanc, pour déambuler dans le Ryokan et nous invite à nous installer autour de la table basse- le kotatsu- placée au centre de la pièce principale, sur les chaises sans pieds, les zaisu.
Nous nous exécutons.
L’okamisan est à genoux sur les tatamis qui tapissent le sol et nous sert gracieusement du thé et des sucreries japonaises, avant s’éclipser.

L’ambiance était sereine. Nous savourons l’instant bien plus que le matcha –thé japonais que nous ne parvenons pas à apprécier depuis notre arrivée au japon-, tout en observant la finesse de la décoration et la quiétude des lieux.

Moment de quiétude
Outre le kotatsu, la pièce principale est unie d’une sorte d’alcove habritant un kakemono, soit une peinture japonaise, et une statue.
Des shojis séparent cette pièce principale de l’entrée et de la pièce tournée vers le jardin. En revanche, aucune trace des futons sur lesquels nous devrions dormir.

Loin de nous inquiéter, surtout dans un lieu aussi apaisant, nous décidons de  sortir découvrir le village avant de profiter des onsen du Ryokan.

Quittant l’auberge, nous nous dirigeons vers les hauteurs, marchons une petite demi-heure, le temps d’admirer le coucher du soleil sur Matsumoto, puis décidons vite de revenir à notre point de départ dont le confort et la quiétude étaient décidément addictifs.

A l’entrée, le meuble à chaussures nous confirmait que nous étions les seuls clients de l’hôtel.

Florent avait donc en tête de demander si nous pouvions user, tous les deux, du même onsen, ou, en d’autres termes, s’il pouvait s’incruster dans l’onsen des femmes.
A ma grande surprise, il obtenu gain de cause.
Nous pouvions donc profiter ensemble de l’onsen privatisé. En lui-même, cet onsen qui ne comptait qu’un bassin intérieur, n’avait rien d’extraordinaire mais le seul fait de pouvoir profiter ensemble de cette expérience thermale, qui est toujours un moment d’intense relaxation, nous enchantait.

Onsen à volonté
L’heure du dîner approchant, il était temps de quitter nos ablutions et de nous faire chic. En effet, au vu de la qualité des prestations de ce Ryokan, nul doute qu’un dîner traditionnel japonais servi ici serait quelque chose de très raffiné, et qu’il nous fallait faire honneur à ce service.


en yukata


A l’arrivée dans la salle des repas, un kotatsu et deux zaisu  nous attiraient. Ca y est, je vous ai perdu. Alors, si vous disposez d’une mémoire d’éléphant et que vous arrivez à traduire la phrase, toutes mes félicitations. En revanche, pour ceux qui ont une mémoire de bigorneau je répète –et tâchez de retenir cette fois ci- il s’agit de la table basse et des chaises sans pieds !

Nous nous plongeons dans la lecture du menu… Nous hallucinons : dix-neuf mets ! Je regarde mon ventre, mon ventre me regarde. Il a compris que quelque chose allait lui arriver. J’ai compris qu’il avait compris. Il a compris que j’avais compris qu’il avait compris.

« May I come in ? » nous interrompit la voix claire d'une ombre derrière le shoji. « Yes », lui répondons-nous. L’okamisan ouvrit le shoji derrière lequel elle était à genoux avec son plateau, se releva, fit le pas qui la séparait du seuil de la salle, se remit à genoux, referma le shoji, reprit son plateau, se releva et parcouru la distance qui nous séparait de l’ouverture du shoji, se remit à genoux, et disposa très gracieusement quelques plats sur le kotatsu –cher bigorneau j’espère désormais que t’as compris ce que c’était !- tout en nous les annonçant et en nous expliquant l’ordre des plats et la manière dont ils se dégustaient. Après son annonce l’okamisan s’éclipsait, reprenant son alternance d’agenouillements et de petits pas.
Lorsque nous avions fini de goûter les mets déposés par l’Okamisan, cette dernière répétait son rituel pour nous apporter les fournées suivantes.

L'okamisan
Quant aux mets proprement dits, ils étaient aussi étonnants qu’excellents. Parmi eux, nous retenons les sauterelles bombonifiées, le sashimi de cheval, des algues, ou encore des graines de ginkos. Chaque saveur était nouvelle. Chaque bouchée était un plaisir. Nous avions déjà eu la chance de gouter, par le passé, à des plats de chefs étoilés de l’hexagone. Mais il faut bien avouer que les plats de chefs français reprennent des saveurs qui ne sont pas totalement inconnues à nos palais. Ici, au détour d’une simple bouchée nous vivions en même temps l’excellence et la découverte. Aujourd’hui encore, Flo et moi reconnaissons que le Ryokan fut la plus extraordinaire des expériences culinaires de notre vie.

C'est pati!
Vu comme ça, ca n'a pas l'air... et pourtant!
Comment ça se mange ça? 

une fournée
Lorsque nous regagnâmes notre chambre, nous constations avec plaisir que l’okamisan avait disposé nos futons pour la nuit et les avait entrouverts afin que nous puissions directement nous y insérer, comme un petit billet dans un portefeuille –quel romantisme !-. C’est donc dans ce cocon de paille, de bambou et de papier que le marchand de sable nous emporta.

bonne nuit les petits!
Le lendemain matin, le programme de notre formule nous permettait de revivre l’expérience d’un repas au Ryokan : le petit déjeuner. Vous imaginez bien que compte tenu de l’expérience de la veille, nous nous hâtâmes vers la salle des repas.
L’okamisan suivait le même rituel gracieux et raffiné de la veille. Quant au menu, qui ne comportait cette fois-ci que douze mets, nous goutâmes notamment une truite arc en ciel bonbonifiée ainsi que des racines de lotus mijotées dans la sauce soja.

Le petit déjeuner est servi
Pour faire durer le plaisir de notre séjour, nous privatisons à nouveau l’onsen afin de pouvoir en profiter ensemble, et savourons les derniers instants d’osmose qui nous restaient avant de gagner la capitale nippone.


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