jeudi 1 mai 2014

Chez les Karens : La vie au sein d’une ethnie minoritaire


Après Adriana Carambeu, Murielle Robin et Bruno Solo, « Rendez-vous en Terre inconnue » a le plaisir (narquois) de faire découvrir à la très respectée Sibylle V. le peuple Karen.

Dans le bus menant à la ville la plus proche des terres occupées par ce peuple, Florent, son interprète pour l’aventure,  lui dévoile l’histoire de cette population avec laquelle elle sera en contact pendant une semaine.

Elle apprenait ainsi que l'ethnie karen est un peuple de tradition nomade originaire des régions tibéto-birmanes. Probablement issu du Yunan et des hauts-plateaux birmans, le peuple se fixe au Nord de la Birmanie aux alentours du VIIIème siècle après Jésus-Christ, puis migre vers le sud à l’actuelle frontière entre la Birmanie et la Thaïlande. C’est donc au nord de la Thaïlande, dans le village Karen de Phadeh que la rencontre s’effectuera.

D’un point de vue pratique, il l’informa  qu’elle allait vivre chez Pi Watit et Pi Wanee, la famille Karen qui l’avait accueilli quatre ans auparavant, lorsqu’il faisait sa mission humanitaire là bas en apprenant l’anglais aux enfants karens.

Le bus fut relayé par une moto, seule capable d’avancer sur les pistes de terre rouge aux mille nids de poule. Après une bonne  heure de « route » l’aventure commença.

La moto s’arrêta au niveau d’une maison de bois rougeâtre. Pi Wanee (l’ourson), nous accueillit par un wai, qui est la jonction de la paume des mains comme un enfant de cœur, pour nous souhaiter la bienvenue. Puis elle regarda chaleureusement mon interprète avant de prononcer un « Teacher Flo » rempli d’émotion. Ce fut le seul mot que je la vis prononcer en anglais pendant toute cette aventure de sorte que je me demandais ce que Flo lui avait vraiment enseigné…

Enfin non, je me trompe, elle prononçait également très bien le « potato », Mathieu si tu me lis ça veut dire patate, qu’elle utilisa environ... cinq minutes après notre arrivée en brandissant un sac de pommes de terres.

Puis elle additionna ce dernier mot au prénom de l’interprète ce qui donna un « Flo potato ». Je ne comprenais pas. Flo semblait quant à lui très bien comprendre ; il s’empara des pommes de terre, discuta quelques secondes en Thai avec Pi Wanee avant de m’affirmer : « Elle souhaite qu’on fasse des patates sautées pour ce soir, pour fêter ça».

A peine étions nous arrivés que les voisins et anciens élèves de l’interprète débarquaient pour revoir teacher Flo. Il y eu Prayut et sa femme Pranie,  Sanan et sa femme, Santé, Kookai, Songkran, Maria, Kaka, Champu et j’en passe.


Les proches au grand complet
Tous étaient heureux de revoir Teacher Flo et évoquaient, dans les quelques minutes après les retrouvailles, les fameuses « Flo potatoes ».

moment rare: Flo arrive à faire rire une fille
Je n’en revenais pas : l’homme que j’avais surpris un jour mettre dans une poêle brulante un steak haché surgelé encore emballé dans son petit plastique, l’homme qui réussissait à rater des œufs durs et des pâtes, voyait ici son nom associé à celui d’un plat très apprécié. Il était en quelque sorte l’Auguste Escoffier, le Joël Robuchon des Karens !

Une cuisine vue sur jungle, insolite nan?
Vous l’aurez donc compris, la cuisine Karen, n’est pas vraiment un patrimoine qu’il est nécessaire de sauvegarder. S’il je devais choisir un seul mot pour la caractériser je prendrai le mot« Mortier ». Tous les aliments passent par celui-ci avant de finir dans notre bouche.

Le savoir faire est très simple : prenez un poulet, mettez le dans la bolinette du mortier, prenez le mortier et appuyez à coups répétés aussi fort qu’un marteau. Une fois que c’est bien broyé, passez 5 minutes à l’eau bouillante. Bon appétit !

Si vous voulez tenter un autre recette à base de poulet, vous pouvez aussi le couper en infimes morceaux, en prenant bien soin de laisser les os, puis passez 5 minutes à l’eau bouillante.

Mais attention le poulet ainsi que le porc ou toute autre viande est un met de fête ! Pendant la semaine, nous avions plus régulièrement des feuilles de je ne sais quoi bouillies. Là, pas besoin d’expliquer la recette, vous l’aurez comprise par vous même.

Non en fait le vrai patrimoine de cette minorité ethnique est partout, ailleurs que dans la cuisine. Il est dans les us et coutumes.

Par exemple, la tradition des tatouages pour les hommes. Lorsque leurs femmes accouchent, les maris souhaitent également participer à la douleur et se font faire des tatouages partant du dessous des hanches et finissant au dessus des genoux, étant entendu qu’ils font ça sans anesthésie avec des aiguilles de bambou (c’est pas les hommes de chez nous qui feraient ça hein ?). 

La cérémonie du partage de l’alcool est également une tradition à ne pas perdre ; Les buveurs s’installent en cercle sur le plancher. Une fois la bouteille ouverte, l’homme le plus important du cercle rempli l’unique verre (dont la taille n’excède pas celle de nos verres à liqueur)  et en verse le contenu sur le plancher en guise d’offrande à la terre. (Bon ce geste ne me semble pas primordial dans la tradition car un verre pour la terre c’est un verre de moins pour nous…). Puis le verre est rerempli et tourne dans le cercle selon le sens des aiguilles d’une montre. Quand le verre vous parvient vous avez l’obligation de le finir, sous peine de commettre un impair,  et vite fait (car votre voisin attend son tour). Puis vous tendez votre verre vide au maître de l’alcool afin que celui-ci le remplisse à l’attention de votre voisin. Ca c’est de la bonne tradition hein ? Après quelques verres d’alcool de riz, une fois que les bouteilles sont finies, il nous paraissait à la fois facile et difficile d’aller se coucher ; Facile parce qu’on aurait pu aisément le faire sur place, dans le cercle, et difficile parce qu’il fallait qu’on rejoigne notre lit : une natte de paille tissée, posée à même le plancher, vingt mètres plus loin.

Watit un homme polyvalent: alcool de riz ET calumet!
Le patrimoine artisanal des Karens est également et plus sérieusement à préserver. D’abord le tissage : les femmes tissent des « chemises » et sarongs d’une très grande beauté. Pour les enfants c’est le blanc, le bleu et rose pâle qui est à l’honneur. Pour les adultes les couleurs sont plus flachies, du marine mélangé à du rouge sang ou du rose fushia, le tout avec de nombreux motifs, des tresses qui pendent à certains endroits. Les plus belles tenues ont des motifs en grains de riz : ils s’en servent comme des parles en les perçant d’un bout à l’autre avant de les disposer sur la chemise. C’est hallucinant !

Pranie toute en beauté 
D’ailleurs, alors que Flo avait prévenu sa famille Karen qu’il reviendrait cette année, accompagné de sa fiancée,  Pi Wanee m’avait réservé un sarong et une chemise Karen  qu’elle avait tissée et cousue à mon attention. J’étais très émue et allais vite enfiler le tout pour être vêtue comme les gens d’ici, pour faire un peu moins tache qu’avec mes T-shirts.

En tenue Karen
Lors de ce séjour chez les Karens, nous n’éprouvions quasiment pas le besoin de sortir du village tant c’était convivial. Rudimentaire certes mais convivial.

Un jour toutefois, nous nous forçâmes à prendre la moto pour découvrir les merveilles naturelles des environs.  Les cascades sauvages ont fait notre bonheur: On y a piqué une tête.

A la cascade de Padeng

A Tararak
En rentrant  de nouveaux animaux de compagnie avaient élus domicile à « la maison » : deux bébés hiboux!!

Tu dis bonjour à Monique? 

Pi Watit les avait trouvé, errant dans la jungle et manifestement tombés du nid.  Pour lui c’était banal de voir ces animaux à la maison.
Pas pour nous et apparemment pas pour les enfants non plus! Nous étions tous ravis, nous voulions les prendre dans nos bras, voir leurs ailes, essayer de les faire voler. Bref nous avons passé notre après midi avec les gosses à chasser les geckos pour nourrir nos bébé hiboux.

Allez, fais nous un ptit vol pour Monique

Grande interrogation pour le hiboux
Je dis « nous » parce que je suis un peu frustrée et que je veux m’inclure un peu dans cette gloire d’être capable de capturer un gecko, de le tuer, de le passer au mortier, d’ouvrir le bec de nos hiboux et de déposer des morceaux de geckos sur leurs langues.

Mais il n’en était rien. Florent et moi apercevions de nombreux geckos dans la jungle et à peine tentions nous une approche que les geckos s’enfuyaient. Les enfants avaient vite compris qu’on était nul quant il s’agissait d’attraper des bêbêtes de la jungle. Ils nous ont gentiment demandé de rester là à les regarder plutôt que de faire fuir le repas des hiboux.

Le repas de nos hiboux
Ca paraissait si simple de les voir faire. Ils avaient l’approche silencieuse d’un chat, lorsqu’ils étaient suffisamment près, ils donnaient un coup violent de bâton pour assommer le reptile, puis le prenait par la queue jusqu’à la cuisine. Là, ils avaient suffisamment de tripes pour prendre un large couteau et BAM (les mauviettes que nous étions ne parvenaient même pas à regarder ça, nous détournions le regard peu avant le BAM) puis le mortier faisait son job.
Enfin les enfants apportaient les micros morceaux aux hiboux affamées.

Peu avant le BAM
Le soir venu, et alors que nous avions laissé les hiboux sur le parquet de « notre maison » qui était complètement ouverte sur la jungle, nous aperçûmes deux hiboux adultes, manifestement un mâle et une femelle, qui volaient autour de nous avant de se poser sur le manguier le plus proche.

Pas de doute, ils venaient chercher leurs petits. L’un des bébés s’envola près d’eux. Et tous trois repartirent. L’autre bébé resta là à piailler toute une partie de la nuit à attendre que ses parents reviennent. Au moment d’aller nous coucher, il piaillait encore alors que ça faisait près de quatre heures que ses parents étaient partis.  

Afin de ne pas livrer le bébé hibou aux chiens errants et autres bestioles de la jungle, nous décidions de le mettre dans notre chambre pour le reste de la nuit. Le lendemain rebelote,  il fallait trouver des geckos, le nourrir, et cette fois-ci c’était son jour de chance : Ses parents revinrent et l’emmenèrent avec eux.

Papa ou Maman sur le manguier 
J’ai l’impression que ce que je raconte est digne d’un Walt Disney, et pourtant c’est arrivé, aussi hallucinant que ça puisse paraître !

En tout cas, ça nous paraissait hallucinant à nous. Mais les Karens trouvaient cela normal et étaient, pour leur part, amusés de notre émerveillement d’enfant face à ce spectacle.

Le soir au cours du dîner, je me posais des questions philosophiques sur ce peuple vivant dans la jungle.

Les plus jeunes comprennent le Thai, les anciens ne le parlent pas du tout, et tous se parlent donc en Karen, ce langage d’un peuple sans terre, divisé entre la Thaïlande et la Birmanie et opprimé par chacun de ces Pays.

Ils n’ont certainement jamais entendu le son d’un piano, jamais vu de neige, jamais lu de livres (ils n’en ont pas), jamais vu la mer, jamais su (ou jamais voulu savoir) si la terre était ronde ou plate, jamais envisagé d’être médecin, architecte, vétérinaire...

Nos manières de vivre s’opposent en tout points. Et pourtant des questions me taraudent :

Si nous leur faisions écouter la flute enchantée, s’ils voyaient de la neige, s’ils lisaient "Les trois Mousquetaires, bref, si nous leur montrions du beau, si nous leurs faisions gouter du bon, seraient-ils émerveillés où resteraient-ils indifférents à ces arts ?

Après le diner j’allais chercher mon ordinateur et montrais à Santé et Pi Watit les photos du Népal.

Une discussion avec Santé
Ils étaient émerveillés par la majesté de ces paysages blanchis par la neige qui lui paraissaient inacessibles.

Plus tard dans le séjour, nous leur faisions gouter du Nutella que nous avions dans nos sacs : ils trouvaient cela bon (surtout à mélanger avec le riz).

A table!
Au final et sur des choses aussi importantes que la neige et le Nutella, ils avaient la même notion que nous de ce qui était beau et de ce qui était bon !

A notre départ, Pi Watit et Pi Wanee nous firent promettre (en Thai) de revenir quant nous aurions notre premier enfant.

Nous acquiescions avant de chevaucher notre Honda direction, Sukhothai.

PS: Si vous souhaitez voir le comportement lâche de Flo lors de la chasse d'un insecte-oiseau, cliquez sur la vidéo suivante;

PS bis: Si vous souhaitez voir plus de photos de nos moments chez les karens, allez dans la rubrique Pays, puis Thaïlande, puis albums photos, et enfin sélectionnez "Chez les karens". 


4 commentaires:

  1. Marrant le film, bravo les héros, mais quelle taille avait la bête ? plus grosse qu'une tarentule ?

    Par contre, il y a un mot qu'il faut que vous supprimiez de votre vocabulaire.

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  2. Vive les super héros, oui!
    en fait faudrait mettre la vidéo en accéléré pour qu'on rigole vraiment... bon en même temps c'est facile derrière notre ordinateur dans nos maisons aseptisées!

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    1. Merci Flo de nous suivre ça fait hyper plaisir !
      On n'a pas accéléré la vidéo parce que tout nous faisait rire... C'est pas évident de sélectionner les séquences à mettre en ligne, promis on fera un effort pour les prochaines...
      Donne ton avis sur la prochaine vidéo sur le Népal qui arrive très bientôt dès qu'on a une connexion internet correcte.

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  3. Haletant ce safari autour de la "bébête qui monte et qui descend à ne pas visionner a coucher pour les aracnophobes

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