vendredi 22 août 2014

Saïgon la libérale

(Parce c’est plus distingué que « la pute » de l’élégant proverbe français « Hanoï la prude a vaincu Saigon la pute »).


Saigon ou Ho-Chi-Minh ? Pour ma part ce sera Saigon. Pourquoi ? D’une part parce que c’est son nom depuis le XVIIème siècle et d’autre part parce que les communistes du nord vietnamien ont imposé aux nationalistes du sud le nom de l’oncle Ho à cette ville comme pour marquer au fer rouge leur victoire sur le Vietnam du sud. Etant à la fois vieux jeu et anti-communiste, j’opte donc pour le nom de Saigon. 

Ici pas de monuments spectaculaires, pas de musées incontournables, pas de paysages ou de perspectives à couper le souffle, mais une ambiance. Et quelle ambiance !

Ca commence avec le ballet des motos. A chaque carrefour, à chaque rond point, et chaque feu on vous sert un troupeau de deux roues entassées les unes sur les autres comme les utilisateurs de la ligne 13 du métropolitain parisien aux heures de pointes, sans toutefois que cet entassement ne les freine. On avait donc une masse informe qui se déplaçait telle une pâte à gâteau géante qui se déverserait d’un saladier incliné. 

Ca m’obsède, je suis désolée j’aurais pu trouver une autre comparaison mais j’ai tellement envie d’un gâteau au chocolat ou d’un clafoutis aux pommes que ma main sur le clavier a devancé l’expression de ma bienséance. 

On préfère donc flâner sur les trottoirs pour ne pas risquer nos peaux. Les magasins qui les bordent sont, pour beaucoup d’entre eux, différents de ceux qu’on a pu voir jusqu’alors dans ce pays. Bien sur il y a toujours ces multiples boutiques qui vendent des posters de propagande communiste où l’oncle Ho est présenté comme étant aussi sympathique qu’ Uncle Ben’s, (pas sure que ce soit toujours un succès). Mais il y avait aussi des magasins tenus par cette nouvelle génération d’entrepreneurs qui ont faim de perfection, et de réussite ; bref de tout ce qui est proscrit par le régime, mais que le régime ne peut (ou ne veux ?) aujourd’hui plus endiguer.  Nous avions des architectes, des créateurs, des designers. 

Plus loin, la place était laissée aux immeubles modernes et fiers qui défiaient le ciel et étaient le siège de quasiment toutes les entreprises Vietnamiennes en même temps que d’être le siège d’écrans géants aux publicités incessantes.

- « Viens on traverse » me lança Flo comme si c’était anodin. On pose un pied sur la route, on entend le grondements des moteurs qui ne semble pas si éloigné, on tourne la tête pour voir le cortège déjà décrit foncer sur nous (là je vous décris le truc au ralentis pour une meilleur appréciation de la situation mais en vrai ça s’est joué en 1sec à peine). On s’est donc mis à courir comme des moutons jusqu’à en perdre la laine. Nous arrivâmes sur l’autre rive sains et saufs au moment même ou le grand méchant loup était à notre niveau. Il n’y a rien à faire, pour traverser au Vietnam, il faut se lancer et prier.

La circulation au plus bas: à minuit
Ce soir là comme chaque soir depuis que nous étions à Saigon, nous décidions d’aller sur la place centrale, ou place du marché, pour attendre les entrainements de Kung Fu. Il s’agissait d’un groupe d’une vingtaine de jeunes en tuniques noires qui s’exerçaient pour la pratique de cet art martial. 

Un enracinement avant le décollage
Tout était réuni pour participer à la magie du moment: au premier plan les jeunes en tunique noire à faire des grands écarts et des pirouettes (cacahuètes) dans l’air, au second plan le vieux marché de Saigon qui a échappé à la démolition lorsque la ville a été prise, et au dernier plan les tours modernes dans leur habit de lumière. Le présent, le passé, le futur. 

En pleine pirouette cacahuète
Alors que nous étions assis à regarder ce spectacle, et comme chaque soir ici, des étudiants nous demandèrent s’ils pouvaient parler avec nous pour améliorer leur anglais. Nous entrions alors dans des discussions qui mêlaient personnel, échanges sur nos pays respectifs, visions politiques, religieuses… Tous étaient ambitieux, avides de plus de connaissances et bosseurs. Beaucoup jonglaient avec plusieurs postes professionnels, et n’avaient que quelques heures de détente qu’ils décidaient d’exploiter pour améliorer leur anglais. Ca nous paraissait fou. Mais ça faisait du bien à voir et à entendre ! Lorsqu’un groupe avec qui nous parlions s’éclipsait nous n’attendions pas plus de 5 minutes avant qu’un autre groupe nous fasse la même demande.

Voilà donc ce qui constituait le décor et le fond de nos soirées Saïgonnaises. 

Un jour, alors que  Flo s’occupait de la maintenance du très célèbre site « sur la  route des tongs et du riz », je décidais d’aller visiter la ville en compagnie de Hang, une voisine de notre guest house avec qui j’avais sympathisé la veille. 

Pendant que je découvrais émerveillée la vieille ville, Hang la redécouvrait avec nostalgie et tristesse. 

Bien que dotée d’un passeport français, hang connaissait cette ville mieux que tous nos autres compatriotes pour y être née, y avoir grandi dans un milieu intellectuel privilégié, et enfin y avoir été chassée par les communistes du nord. 

La suite de son histoire de poursuit en pleine mer sur une embarcation de fortune en compagnie de centaines d’autres « boat people » en direction de Singapour. L’embarcation n’atteindra jamais sa destination puisqu’elle fût arrêtée par les garde-côtes Malais.

Les passagers alors débarqués en Malaisie ont été placés dans des camps de réfugiés. 

De là commençait leur recherche d’un pays d’asile. Seuls quatre pays accueillaient les quelques 2 millions de réfugiés : Le Etats Unis, Le Canada, La France et l’Angleterre. 

Hang fit directement une demande en France, langage dont elle avait appris les rudiments à l’école de Saigon. Sept mois plus tard, la France l’acceptait. 

Et c’est ainsi qu’à 17 ans Hang se retrouva à la fois en CE1 pour suivre les cours de français et en terminale pour les autres cours. 

Aujourd’hui, c’est son fils qui a dix sept ans et à cette occasion elle décida de lui montrer son pays d’origine et par la même d’y revenir pour la première fois. 

Alors que son fils faisait une excursion de 4 jours au Laos, elle me proposa de me faire découvrir son Saigon à elle, et bien évidemment j’aurais été folle de refuser.

La ballade commença au vieux marché couvert, là elle me fit gouter les spécialités et notamment les bonbons à la mangue et à la passion, des sortes de soupes, toutes sortes de raviolis à base de pate de riz fourrés tantôt de légumes tantôt de viandes. Pour la première fois de notre voyage, je visitais un marché sans avoir à me préoccuper de ce que je pourrais manger ou non, de ce qui était trop épicé ou pas. Tandis que nous déambulions devant le poisson séché, les soupes fraiches, les épices, les lézards et grenouilles dans des bouteilles d’alcool (à boire oui oui !) et les fruits secs, Hang me raconta une anecdote qui lui était arrivée la vieille dans ce même marché. Alors qu’elle achetait des produits pour son fils et qu’elle sortait un bout de papier pour écrire en français ce qui était dans chaque sachet libellé en vietnamien, un homme en civil s’approcha d’elle, c’était un espion du régime qui exigeait qu’elle lui montre le papier sur lequel elle écrivait. Comme il fallait s’y attendre l’homme du gouvernement ne compris rien de ce qui était écris et dit à Hang « Je te donne 10 minutes pour déguerpir, si je te revois après je t’embarque ». 

Voilà un côté du Viêtnam que nous autres étrangers ne vivons pas dans ce pays qui, à certains égards, nous semble être un paradis. Mais nul doute que la vie des vietnamiens est aujourd’hui encore surveillée de très près. En témoigne la persistance des « boîtes rouges » qui sont des boites de dénonciations anonymes. De merveilleux outils de délation. Nous ne sommes pas parvenus à trouver ces fameuses « boîtes rouges » décrites dans le routard, mais peut-être que notre oeil était trop innocent pour y prêter attention. 

Après cette escale culinaire, direction une petite rue qui devait abriter sa maison. Mais au lieu d’une maison, on avait un grand hôtel de béton et sans charme sur son emplacement que la famille d’Hang  a été contrainte de céder au régime. Il s’agit donc désormais d’un «hôtel gouvernemental », qui comme tous les autres hôtels gouvernementaux proviennent des biens spoliés aux « réfractaires au régime ». 

Devant sa "maison"
Hang était émue et on ne s’attarda pas. 

Ensuite direction la cathédrale Notre-Dame de Saigon à l’architecture européenne et enfin la magnifique Poste centrale. Mais évidemment on ne peut dire magnifique sans dire français (Cocorico). Et oui, la Poste centrale est un beau témoignage de la période coloniale et sa charpente métallique a été conçue par Gustave Eiffel, lui même ! Aujourd’hui encore elle fonctionne sous l’œil attentif (ou la surveillance policière) d’Ho-Chi-Minh dont le portrait trône en plein centre de l’édifice.

Notre Dame deSaïgon

La poste: Ho-Chi-Minh veille

C’est avec un brin de tristesse qu’on quitte LA perle d’Asie du Sud-est pour rejoindre le Cambodge où le régime communiste s’est surpassé : plus de 20% de la population a été exterminée en 4 ans seulement… Bienvenue dans l’horreur.

PS : Nous rencontrons actuellement de très grosses difficultés à accéder à notre blog hébergé par google car nous traversons des pays où facebook et google sont sensurés. Florent est obligé de prendre le contrôle de l’ordinateur de sa mère (en France) pour accéder au blog, et poster des statuts facebook. Du fait de cette complication, nous ne pouvons pas actuellement mettre les albums photos. Nous le ferons dès qu’on entrera dans un pays qui nous le permet et vous tiendra bien entendu informés. 

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