vendredi 28 février 2014

Bundi : Siflard et tchoutchou

Il est 5h30 du matin et on vient d’arriver à Bundi. Encore une fois on a pris le bus de nuit avec des vrais lits. Mais on se demande franchement à quoi bon, puisque vu l’état de la route et de la suspension on passe notre temps à sauter en l’air. Enfin le gros avantage de ces bus c’est qu’ils ne partent jamais après 22h, comme ça on est sûr d’arriver entre 4 et 5h. Heure à laquelle personne n’est levé (il faut attendre 6 voire 7h).  C’est donc dans une ville encore endormie et sans guest house réservée que nous atterrissons avant l’aube. Les villes indiennes ont toujours un curieux aspect à cette heure là, personne ne circule, ne klaxonne ni ne crache par terre. Les vaches sont couchées ainsi que les chèvres et les chiens. Le peu de lumière publique donne une allure fantomatique aux immeubles qui se découpent sur le ciel de la nuit.
Les villes avant l’aube me paraissent toujours plus vilaines qu’elles le sont en réalité, et Bundi ne fait pas exception. Je ne me rends pas vraiment compte des massives portes que nous franchissons, ni ne distingue l’imposant fort qui surplombe la ville.
C’est après avoir dégusté un Tchae (thé au lait) rassérénant que nous partons en quête d’un toit pour la nuit.
Un détail coloré d'une rue de Bundi
Nous finissons par trouver une chambre d’hôte sympathique tenue par une charmante famille et dont les autres clients sont tous français. Après avoir fait connaissance, Léa nous explique qu’elle passe régulièrement quelques mois par an chez ces gens, qu’elle considère comme « sa famille indienne ». Sa mère Brigitte, était venue de France pour les rencontrer et avait ramené tout un tas de bonnes choses dans ses valises : Sauciflard,  Comté, foie gras, vin rouge et même du pain pour faire découvrir notre fine gastronomie à cette famille. Autant vous dire que nous nous sommes joints à eux pour le diner avec un plaisir non dissimulé. Nos hôtes, quant à eux, avaient préparé du poisson frais à l’indienne ; c’était la première fois que j’en voyais en Inde et bien que très bon, je n’en mangeais qu’une infime portion pour me gaver des merveilles ramenées par Brigitte. Mais faut me comprendre, la transition de carnivore invétéré à végétarien forcé n’a pas été si évidente. Je me sentais si faible… Et puis ça n’a pas eu l’air de déplaire à Sibylle non plus, alors…
En pleine partie de billard indien avec la famille

Le lendemain, guidés par Léa, nous avons loués des vélos pour aller faire un grand tour dans les environs et nous rendre dans un village de potiers. A seulement 8km selon les locaux on en a quand même pour 45min en pédalant bien, (du coup je comprends un peu mieux pourquoi un bus met 7h pour faire 300km). Les paysages que l’on traverse sont magnifiques, très verts, ce qui nous change agréablement. Pour le peu qu’on avait pu en voir, la nature indienne n’était pas franchement attirante, trop polluée, trop sèche… Mais pas là, si on fait abstraction des klaxons à chaque fois qu’un véhicule te double ou te croise, on ressent presque une sorte de sérénité.
Tout à coup, alors que je m’arrêtais sur le bord de la route pour attendre les retardataires, voilà qu’une dizaine de femmes au travail dans un champ me font des grands signes. « Viens par là beau gosse » que je comprends. « Viens donc nous prendre en photos » que j’entends, voilà que je parle leur langue (celle des signes quoi). Et alors c’est parti pour 15minutes de shooting photo, et vas-y que t’as oublié de prendre celle là, et prends en une avec moi, pis avec elle. Tiens prends ma cuve et met la sur ta tête, et puis n’oublie pas le Padre. Enfin voilà on se marre bien, et c’est des moments comme ça qui nous font savourer le voyage, Sibylle, elle, m’a rejoint. Mais les autres ont été trop intimidés et ont continué leur route jusqu’au village quelques minutes plus loin tant pis pour eux. Pas grand chose à y faire, d’ailleurs dans ce village, mais bon il est typique, les gens n’y voit pas si souvent des touristes, donc on fait un tour on prends des photos, et on repart pour arriver avant la tombée de la nuit en ville.

Des mannequins en plein shooting photo
Une tentative de porter un bac sur la tête
les biddies ca pique!

Le padre et la mama
Une maison du village
Après la balade on arrive juste à temps pour déguster «  le meilleur lassi du monde ». Pour 50 roupies on est pas déçu, imaginez un yaourt avec, à l’intérieur, raisins sec, safran, miel, pistaches, cardamome… et d’autres épices secrètes. Un vrai délice !
La porte du palais

Le lendemain, et après avoir redégusté un de ces merveilleux Lassi, nous nous rendons vers le fort. L’appareil photo caché dans le sac à dos (comme d’hab sinon on doit payer presque 2 fois le prix) on entre… Et pour la première fois depuis notre arrivée au Rajasthan, on se demande pourquoi on vient de payer 200 roupies. C’est le premier fort, sur lequel le temps semble avoir eu de l’effet. Il paraît complètement délaissé, vide. C’est d’ailleurs ce qui fait son charme. Au lieu du palais rutilant auquel nous nous attendions, nous nous trouvons au cœur d’une époque révolue, autrefois glorieux, il ne reste que ces murs et pièces vides. C’est très prenant, il est moins massif, mais pas moins impressionnant que d’habitude, il y a  un quelque chose en plus dans ce palais à flanc de falaise qui  me fascine. Bien sur ce serait plus facile de se concentrer si ce fichu garde arrêtait de tourner en rond pour vérifier que l’on n’utilise pas notre appareil photo…  Ah oui, n’oublions pas non plus les différents habitants du palais, les singes, qu’il nous faut éloigner à grands coups de bâton dissuasifs, et les écureuils qui sont quasiment apprivoisés et qui viennent manger dans la main. Trop mignons !

Un habitant du palais
Vue du fort depuis le lac
Et voilà, on quitte déjà Bundi, et on entame les 24h de train pour Varanasi. C’est ma première fois en train ici et il paraît qu’il ne faut pas rater ça…

Pour commencer, on arrive à la gare où le train affiché à notre horaire ne porte pas le même numéro que sur notre billet, et lorsque nous demandons à un Bureau d’information, et qu’il vérifie sur les listes de passagers nos places, il ne trouve qu’une certaine Jessica et un Benoit. On a beau leur dire que ce n’est pas nous, il ne nous croit pas car ce sont des noms européens, et donc il insiste lourdement « Si si c’est vous parce qu’il y a écrit Jessica et Benoît »… Evidemment ça a le don de nous énerver, on n’aime pas les trucs pas clairs, et en Inde il y en a beaucoup et ça commence à nous taper sur le système.
Enfin le train arrive, à l’heure ou il devait partir, avec un autre numéro marqué dessus (ca fait donc 3 trucs différents), on redemande, et on monte dedans. On trouve nos places que l’on bloque rapidement tout en obligeant les indiens qui n’ont pas de billets à se trouver d’autres places (Ben ouai j’ai beau être blanc, je suis pas l’Abbé Pierre). Ca fait marrer nos voisins, une bande de jeunes sympathiques mais qui vont papoter toute la nuit et finalement nous empêcher de bien dormir.

Le train en sleeper class
Avant de nous coucher, nous commandons un plateau repas. Franchement pas terrible ! Comme la nourriture dans tous les trains me direz vous… Et bien non, en France c’est mauvais dans le train mais la nourriture habituelle est bonne. Ici la nourriture habituelle n’est même pas bonne donc on ne part pas du même niveau. On mangera quand même le riz blanc puis on tache de s’en débarrasser :
« Ehhh les gars, elle est où la poubelle pour déposer notre plateau repas ? ». « Donne les moi » répond l’un de nos sympathiques voisins, et paf le plateau repas, par la fenêtre.
Sibylle et moi, on regarde morts de rire. Le rire se propage : Nos voisins sont morts de rire sur le fait qu’on rie pour leur système d’évacuation des ordures.
Nous venions de résoudre plusieurs énigmes en même temps : le pourquoi de l’absence de poubelles dans les wagons et le pourquoi les rails sont pires que des dépotoirs.

Le train à perte de vue
Sinon à part le bruit des voisins, les ronflements d’un autre et les cafards qui arpentent les couchettes tout s’est bien passé, on parvient à nous endormir.

Juste avant de m’endormir, je me dis que tout de même il est remarquable, pour un train qui semble tout droit sorti d’un gros Kinder Surprise et monté sans mode d’emploi par un enfant trop impatient, qu’il roule encore.


Et pour rouler, il roule, 1000km et 24h plus tard, bienvenue à Vârânasî.

mardi 18 février 2014

Jaisalmer : Le marchand de sable est passé


Retournons quelques secondes le sablier de notre vie et retrouvons ce grain de notre passé…
Le voilà !
Taillé comme un cristal il nous fait revivre ces longues après-midi d’été sur la plage où, armés de nos pelles, de nos râteaux et de nos seaux, nous édifiions la citadelle imprenable. L’architecte en herbe que nous étions tous le temps des grandes vacances, décidait de surélever le château, de le coiffer de grosses tours de guets reliés entre elles par d’imposantes murailles crénelées. Pour être certain qu’aucun ennemi n’y pénètre on édifie une nouvelle enceinte à l’intérieur de la première. L’entrée se fera entre deux grosses tours plus rapprochées que les autres. Ca y est le château semble pouvoir se défendre.
Nous fermions alors les yeux  et imaginions une vie à l’intérieur. Puis, la mer nous volait le théâtre de nos rêves.
Nous volait ? Pas tout à fait ; elle nous le transportait sur d’autres rives et ajoutait au fur et à mesures de son voyage d’autres grains à l’édifice.

Ouvrez les yeux à présent, vous êtes à Jaisalmer.

Citadelle de Jaisalmer
C’est bien lui, celui dont vous étiez le maître d’ouvrage mais en plus grand, et en vivant : Des carrioles de fruits et légumes, des femmes aux tenues colorées, des hommes coiffés d’un turban vif, des chiens, cochons et vaches se croisent désormais dans les ruelles de la citadelle.

Espace entre les deux enceintes de la citadelle
La découverte de cet achèvement de nos rêves d’enfants  se produisit un soir lorsque le rickshaw, nous conduisit, sur nos ordres, à la guest house qui nous avait été conseillé par un compagnon de voyage.
Nous ne savions alors rien de la fameuse guest house ni de ce qu’était réellement Jaisalmer de sorte que la vision de notre œuvre géante illuminée nous laissa sans voix.

Ce n’est qu’arrivés à notre auberge que nous avons réalisés que nous allions dormir et vivre dans une forteresse où le quotidien n’est rien d’autre que la vie des locaux. Chassez donc de votre tête l’assimilation à Carcassonne où au Mont Saint Michel : ici les gens ne vivent pas du tourisme mais vivent tout court.

Le lendemain de cette découverte, nous partions explorer notre citadelle dans ses moindres recoins pour nous la remémorer. Je ne me rappelai pas avoir dessiné autant de ruelles mais bon, ma mémoire d’enfant me fait certainement défaut. Aussi me bornerais-je simplement à vous faire la description de ce qu’elle et non de ce que je croyais qu’elle était.

Elle est de grès jaune dans le désert du Thar, à la frontière du Pakistan. Ses ruelles pavées sont bordées de vieux Havelis – maisons sculptées comme de la dentelle dans le grès- et nous conduisent à sept magnifiques temples jains. Oui oui, je connaissais dejà la religion jain et les havelis quand j’étais enfant. Non, ne me félicite pas, j’étais tout simplement surdouée et très avancée pour mon âge. Et avec le temps, j’ai su garder mon humilité intacte.


Havelie servant de résidence au Râja de Jaisalmer
La mer a choisi d’installer mon œuvre à une position stratégique : sur la route des caravanes entre l’Inde et l’Asie centrale, ce qui en faisait une ville très prospère. Aujourd’hui mon château semble attendre éternellement le retour des caravanes. Cette fois c’est lui qui ferme les yeux et se remémore ce grain du passé, celui des les chaudes après-midi rythmées par les pas lents des chameaux porteurs de soieries, d’épices et autres denrées, qui venaient faire une halte dans son seing. Il rouvre aujourd’hui les yeux et les aperçoit, ces chameaux qu’il croyait disparus. Oui nous sommes le 12 février 2014, jour du festival du désert.
Les chameliers et leurs montures se sont réunis ici, à Jaisalmer, pour défiler, faire des courses, et jouer au  polo dans le désert en contrebas.

Nous nous pressons pour voir ça. Les chameaux sont blingblingements vêtus (pompons pendants, bracelets aux pattes, couvertures multicolores…) et nous offrent leur spectacle de polo. En gros c’est comme du polo normal mais en mode ralenti. Ben ouai t’as déjà vu un chameau pressé toi?

Le chic du chic
C’est lors de ce festival que nous faisions une merveilleuse rencontre : Celle d’Evelyne et d’Hervé.
Parmi les premières questions, celle de savoir combien de temps durait leur voyage. Et là stupeur… « Il ne s’arrêtera jamais » répondit Hervé. Et oui Evelyne et Hervé ont commencé leur voyage il y a treize ans (à leur retraite) en quittant les cotes françaises à bord de Papadjo, leur voilier, né des propres mains d’Hervé !
Ils reviennent en France chaque année (par avion, parce que c’est plus rapide) environ 4 ou 5 mois pour accueillir leurs enfants et petits enfants dans leur maison du Tarn et Garonne.
Ils rayonnent de bonheur, et c’est sincèrement que nous leur avons avoués que leur vie nous faisait rêver. Oui, il ne sont pas de cette espèce qui « plaque tout » pour voyager (où plutôt fuir) sans jamais rien bâtir et en oubliant leur port d’attache. Ils sont tout l’opposé ; Ils voyagent pour partager (avec les locaux mais également avec leur famille, en envoyant des récits de voyages à leurs petits enfants) et pour apprendre.
C’est donc avec très grand plaisir que nous avons partagé de nombreux instants avec eux au cours desquels nous avons ressenti cette agréable chaleur familiale.

Evelyne et Hervé: Un couple qui respire le bonheur
N’hésitez pas à jeter un coup d’oeil à leur blog, leurs récits de voyage valent le coup !


Après le festival, direction le lac de Gadi Sagar à environ 1km de la citadelle. Ben oui, en sa qualité de désert qui fait rêver, il fallait bien une Oasis au Thar. Celle-ci est de toute beauté ; d’une part parce que cette réserve d’eau est propre (chose extrêmement rare en Inde) et d’autre part, parce qu’elle est bordé des diverses construction  - Grosse porte, gradins, tourelles lacustres, temples- couleur de miel.

Rives du lac de Gadi Sagar
Ce décor était parfait pour souffler un peu, profiter du silence, et lire. Nous l’avons donc exploité à cette fin jusqu’à la tombée de la nuit.

Lac de Gadi Sagar à la tombée de la nuit
Nous nous dirigeons ensuite pour aller dîner quand une vision, juste devant la citadelle, nous terrorisa : Seb, le photographe, se tenait là,  debout et nous regardait fixement.

Une vision d'horreur
Petite test en exclusivité : Etes vous cancre ou faux-cul ?

- Si vous comprenez le pourquoi de notre terreur, c’est que vous êtes de bons élèves, constants et assidus. De beaux faux-culs quoi, de ceux qui lèvent la main pour poser des questions inintéressantes ou qui vont voir le prof à l’intercours.

- Si vous ne comprenez pas le pourquoi de notre terreur c’est que vous êtes des cancres du même niveau que je l’étais moi même, à qui je me bornerai simplement à énoncer, telle une chargée de TD criant la bouche en cul de poule, « Référez vous à l’article sur Udaipur ».

Bref. Alors Seb c’est le photographe que nous avons rencontré à Udaipur et qui ne prend en cliché que l’extrême misère de sorte que si son objectif se dirige sur vous c’est que votre heure est quasiment venue.

Il propose qu’on se fasse un dîner tout les trois. De peur qu’il nous sanctionne de son flash, nous nous exécutons. (En vrai et pour ceux qui n’ont pas de second degré, ca nous a fait super plaisir de retrouver ce jeune baroudeur qui nous a fait profiter de ses magnifiques clichés).

Mais le lendemain  matin, nous nous hâtions de quitter discrètement  la citadelle, pour semer ce Joe Black français… En espérant que le dicton « Jamais deux sans trois » ne se réalise pas.

vendredi 14 février 2014

Jodhpur : Ville bleue mais pas que...

Vroooom, vrooom, Poueeeeeet, poueeeeeet, nous revoilà dans le bus pour 7 heures de crapahutage et de klaxonneries. Ce bus là en a un fameux d’ailleurs de klaxon. Un genre de douce mélodie à exploser les tympans avec différentes tonalités.
Enfin, on finit par arriver à survivre le voyage une fois de plus, et nous voilà à Jodhpur.
Petite bourgade de 800 000 habitants qui a su garder une part de son authenticité, Jodhpur va vite devenir notre coup de cœur du Rajasthan.

Le Fort de Mehrangar surplombant la ville
Mais ça, on ne le sait pas encore, et pour le moment, il s’agit de trouver un lieu pour dormir ; et à 21h c’est pas évident.
Armé de notre fidèle liseuse électronique (le Kobo), nous parcourons notre Lonely Planet et nous arrêtons sur la Hill View Guest House (que vous pourrez trouver ici), et entreprenons notre habituelle négociations avec les Rickshaws. Têtus (et ignorants de la configuration de la ville) nous ne voulons pas bouger de nos 60 Ruppees, et c’est après 30 minutes de négociations et 1 kilomètre plus loin que nous cédons pour 70 ruppees, destination : le Fort. En effet notre Guest House se situe « en contre bas du fort » dixit le Lonely.
C’est après avoir quitté la ville principale et nous être aventurés sur une route bien raide qu’il nous faut nous rendre à l’évidence… On n’est pas du tout sur le bon chemin. Le fort, lui, on le voit, et très bien même, mais des guest house, ou même des maisons tout simplement, y en a pas… Enfin si, mais beaucoup plus bas. Alors on ravale notre fierté, et dieu sait que c’est pas facile et voilà qu’on demande au chauffeur de nous redescendre un peu plus bas où l’on a aperçu un escalier qui a l’air de nous rapprocher de la ville. Allégés de 70 ruppees et de notre honneur, nous nous mettons donc en route sac au dos et à pied à la recherche de notre auberge que nous dénichons, 10 minutes plus tard, après un dédale de petites rues peuplées de gens fort sympathiques.

Des habitants de Jodhpur
La guest house ne paye pas de mine mais offre une vue magnifique sur toute la ville et l’imposant fort qui se trouve 50 mètres au dessus de nous : c’est donc ça « en contrebas du fort », effectivement vu de là on voit mal comment être plus clair…


Concernant la ville en elle même, on l’appelle la ville bleue pour une bonne raison : presque toutes les maisons sont peintes à la chaux d’un joli bleu indigo (couleur réservée aux Brahmanes en général), et c’est un plaisir immense de se perdre dans ses étroites ruelles où chèvres, chiens, vaches et quelques habitants souriants déambulent librement. On y observe de nombreux ateliers artisanaux qui travaillent le métal, le bambou et même quelques familles qui tondent leurs chèvres pour tisser leur laine soyeuse.
Au détour d’une rue, on tombe même sur un super entrepôt de tissus et de laines de toutes les qualités (l’adresse ici), et Sibylle succombe pour une magnifique écharpe en vrai cashmere (pas celui de Monoprix ou de Bompard) à un prix hors concurrence.

La Jungle de Jain Textile
En rentrant à l’auberge ce soir là on fait la rencontre du surprenant Oussama (le deuxième dont j’ai pu entendre parler) qui fait lui aussi un long voyage et vient de passer 4 mois au Népal. Un type étonnant, qui après avoir terminé sa thèse sur l’évolution de la moelle épinière chez l’embryon a décidé de partir afin de pratiquer la méditation et pouvoir en étudier les effets sur le cerveau plus tard, en rentrant. Pas vraiment le hippie lambda quoi.

Dans le fort
C’est le lendemain que l’on décide de se rendre au fameux fort qui nous impose sa masse rouge et imprenable depuis notre arrivée. Et même si les précédentes forteresses nous avaient impressionnées, celle ci rafle la médaille d’or.

Le palais dans le fort et ses rapaces
Immense (c’est le plus grand fort du Rajasthan, ce qui n’est pas peu dire), il s’agit à l’intérieur d’une succession de courts et de palais intégralement sculptés, ce qui lui donne, malgré sa corpulence, un raffinement hors du commun et un air aérien. Ca tombe bien d’ailleurs, puisque, construit sur ce qui s’appelait autrefois le Mont aux Oiseaux, des centaines de rapaces planent en cercles infinis au dessus de lui. Un vrai palais de conte de fées. Mais nous n’en sommes pas au bout de nos surprises, car nous avons décidés de profiter un maximum de la vue utilisant les 6 tyroliennes qui en font le tour. Nos yeux en pétillent encore : la vue sur le château vu de là est inégalable, les lacs en contrebas (habituellement à l’abri des regards) sont de toute splendeur et la vue sur la ville bleue (que l’on ne voit de nulle part aussi bien) est à couper le souffle.

La ville bleue
Il ne nous en faut pas plus pour pouvoir qualifier cette journée de parfaite et nous décidons de rentrer à l’hôtel. Sur le chemin, peut être pour me rappeler que la perfection n’existe pas, Sibylle marche sur ma tong gauche et l’instant d’après, CRAC, me voilà avec une tong déchirée et inutilisable… Merci ma chérie. Cependant, rien ne pourrait gâcher ma bonne humeur, pas même la perte de mes tongs adorées, et je reprends ma route clopin-clopant en tachant d’éviter les bouses et nombreux obstacles désagréables pour un pied nu, jusqu’à trouver un petit magasin qui me rechaussera pour la modique somme de 35 ruppees.




Je vous laisse à regret, et Jodhpur aussi, car il temps pour nous de nous aventurer plus avant dans le désert, vers Jaisalmer, la ville dorée.

lundi 10 février 2014

Udaipur: De Moogli à James Bond

Il était une fois Udaipur, principauté lacustre du Rajasthan (la terre des rois), qui servit de berceau à l’histoire.

Vue sur la ville

En disant histoire je me réfère à toutes les acceptations de ce terme.

Udaipur est d’abord la ville de naissance de la célèbre Bagheera, oui oui la panthère que vous regardiez tous devant le Walt Disney en suçant votre pouce, ou que vous lisiez pour les plus snobs qui se prétendent plus cultivés, ou encore pour les plus scouts toujours. Bref toujours est-il qu’apparemment Bagheera  est née dans la ménagerie du Raja d’Udaipur, où elle a grandi assommée par les coups fouets que lui imposaient les hommes pour la donner en spectacle. Un beau jour où la serrure de sa cage s’était brisée, elle s’enfuit dans la jungle qui entourait la ville pour faire la connaissance de Baloo et les autres.
A mon humble avis, c’est en raison de son passé que Bagheera est l’animal chiant du livre de Rudiard Kipling.

Parce que franchement, si on regarde bien, Baloo il a une vie cool ; il chante, il danse, il bouffe bien il nage bref il s’éclate. Kaa il glande pas grand chose, il bouffe et il dort (Une vie assez paisible donc), Hathi il se balade en faisant trembler la terre en chantant avec ses confrères ; donc toujours détente.

Mais genre Bagheera… il fait tout le temps des leçons de morale, il se croit plus intelligent que les autres et n’est jamais content…
Du coup je le détestai moi Bagheera !

Mais bon je vous avoue que grâce à mon escale à Udaipur j’ai compris la douleur qu’il a dû ressentir, (notamment en voyant la taille des fouets et ankus utilisés à l’époque des Rajas), j’ai pu peser son lourd passé et comprends maintenant (ou tout au mois trouve des circonstances atténuantes à) son comportement vis a vis des autres personnages du Livre de la Jungle.

Secondo, Udaipur est la ville qui nous a permis d’échapper à la troisième guerre mondiale et mérite au titre de cette page de l’histoire d’être visitée.
Rien que ça. Et oui, je vous rappelle ou vous apprends (compte tenu de la médiocrité de l’enseignements français, je dis ça sans vouloir lancer un nouveau débat) que le général soviétique Orlov cherchait à élargir les frontières soviétiques en Europe et préparait, pour ce faire, un attentat en Allemagne en 1983. C’est donc uniquement grâce aux investigations de Monsieur Bond, James de son prénom, à Udaipur, que l’Europe à pu échapper à une nouvelle guerre ! Je n’ai qu’une seule chose à dire : Merci 007.

Palais d'Octopussy (alliée de James Bond)

Vous l’aurez compris, compte tenu de ces éléments importants de l’histoire, nous n’avons pas bien pris les explications des guides concernant la ville d’Udaipur et du City Palace (Palais des Rajas d’Udaipur). En effet, les guides nous parlaient uniquement  de la décision du Raja Udai Singh II de transférer la capitale du royaume du Mewar, qu’il dirigeait alors, à l’emplacement actuel de la ville d’Udaipur suite à la mise à sac de Chittorgarh (ancienne capitale de l’Etat du Mewar) par les Moghols au XVI°siècle.


City Palace d'udaipur
Ils nous expliquaient que lorsque les Rajpoutes (guerriers indous au service du Raja) perdaient une bataille, ce qui s’est passé à Chittorgarh, les hommes de la ville revêtaient une tunique safran et partaient à leur ultime bataille pendant que les femmes et les enfants s’immolaient. Ils avaient bien raison, il semblerait que le bûcher mène à long terme à la victoire. Nous avons nous même fait le test avec  Jeanne d’Arc et Jacques de Molay et j’avoue que ca a très bien marché.

Intérieur du City Palace

Bref, personnellement je trouve triste que les guides locaux occultent des éléments cruciaux de l’histoire des enfants d’une part et de toute l’humanité d’autre part, au prétexte qu’ils sont les descendants des Rajpoutes.

Quoi qu’il en soit et parce que nous voulons que ce blog contienne des explications exhaustives, vous pouvez dormir sur vous deux oreilles, vous savez tout de l’histoire d’Udaipur!

Flo qui bug

Après l’histoire, passons aux traditions indiennes, ou tout au moins aux traditions attachées au mariage indien.

Je ne parle pas de ce sujet parce qu’une mouche Tsé Tsé m’a piquée mais parce que c’est à Udaipur que nous avons vécu cet événement. Et puis de toute façon, je fais ce que je veux, j’ai pas à me justifier parce que c’est mon blog, donc c’est comme ça (t’as vu comme je suis flexible comme fille).

Donc je disais nous avons été invités à un mariage indien (pourquoi ? Parce que nous sommes blancs et qu’apparemment c’est la classe d’avoir un blanc à son mariage). Nous avons donc été conviés à suivre d’abord le convoi du marié : Celui-ci était sur un cheval blanc, revêtu de ses plus beaux habits de soie nacrés, suivit de la calèche de sa famille et précédé de ses potes qui dansaient devant lui et lançaient des pétards.


Le jeune marié
 Le trajet se terminait au lieu de la cérémonie religieuse. Là il attendait celle qui allait devenir sa femme dans l’après midi. Je ne connaissais pas le métier de cette dernière, mais elle aurait pu aisément vendre des bijoux et se contenter de son corps pour les y exposer. Parce que franchement elle ne pouvait pas mettre plus de bijoux que ce qu’elle avait sur elle. Un magnifique arbre de Noel. Parmi les plus marquants, je note un grand anneau qui traversait l’une de ses narines, et sur cet anneau était accroché une chaine allant rejoindre la boucle d’oreille.
Donc les tourtereaux se découvrent, clinquants de partout, et s’assoient autour d’un feu dans lequel les convives, mais surtout le brahmane qui célèbre le mariage, jette des pétales et marmonnant des paroles qui nous semblent être la répétition infinie d’une même phrase. Au cours de la cérémonie, le mari donne les 3 signes qui permettent d’identifier une femme mariée. Il trace le trait rouge qui pars de la raie et se termine environ au milieu du front de sa promise, lui met un collier noir autour du cou ainsi que qu’une bague sur chacun des index de pieds. La femme comprend alors (ou pas) qu’elle est enchainée de la tête aux pieds pour toute la vie.

Cérémonie religieuse du mariage
Merci Papa, Merci Maman !

Et oui en Inde la tradition c’est un mariage arrangé par les parents. La tradition, c’est encore que la femme parte vivre dans la famille du mari et qu’elle lui apporte une dot.
Par conséquent pour de nombreuses familles, surtout dans les plus pauvres, les filles sont un poids et les garçons une aubaine, contrairement à la réalité des choses.

Alors que les écographies sont interdites pendant les grossesses, certains médecins annoncent illégalement le sexe de l’enfant à naître ; Il n’est pas rare que lorsque l’enfant est une fille, les femmes avortent par leurs « propres moyens » ou se débarrassent de leur enfant à la naissance.

La population indienne est donc  majoritairement composée d’hommes, d’où la chanson de Patrick Juvet « Où sont les femmes ».

C’est lors de ce mariage indien que nous avons rencontré l’un de nos compatriotes, Seb. Comment faire une description de Seb sans que vous soyez complexés (on l’a été aussi ne vous inquiétez pas)… Bon alors Seb c’est un garçon de 23 ans. A 18 ans il montait sa boite de dog sitter qu’il a très bien revendu en septembre dernier. Depuis, il a créé sa nouvelle boite de photo reportage. Et le voilà propulsé sur les routes du globe pendant les trois futures prochaines années à la recherche de clichés pour les médias internationaux.

Je l’envie, ne serait ce que parce que lorsqu’il reviendra Hollande aura dégagé.

Toujours est-il que ce qui intéresse Seb, c’est le gore, le crade, la misère. A ce qu’il paraît ca se vend mieux que le bonheur… Le voilà donc porté par les bombes et les maladies dans les camps syriens au Liban, sur les champs de bataille au Bengladesh ou encore dans bidons villes de l’Inde.

Si donc vous voyez l’objectif de Seb porté sur vous, soyez sure que votre heure est proche !  Il est de ces charognards qui se nourrissent de votre peine.

De peur qu’il vole un cliché de nous, nous nous éloignons loin, loin, loin,  de ce faucheur des temps modernes, à Jodhpur.