On
me reproche d’être pessimiste. « Vois les choses du bon côté » me
conseille-t-on trop souvent.
J’ai
donc pris ma décision : Je vais me forcer, dans la première partie de cet
article à vous faire la pub de Varanasi, comme si c’était une ville fun, comme
si c’était « The place to be ». Allez c’est parti ! Pierre et
Vacances, Center Parc et tous les autres, prenez notes car je vais transformer
l’enfer en paradis juste avec des mots et sans mentir :
-
VARANASI : ville du skate-board
Si vous aimez le sport et notamment le skate-board, Varanasi
est votre ville de prédilection. Bon nombre de locaux le pratiquent et
l’excèlent. Ils vont tous plus vites les uns que les autres, vous surprennent à
chaque coin de rue et en font leur gagne pain. Venez donc vous mesurer aux
habitants de cette ville sainte qui s’entraînent à ce sport depuis toujours,
depuis qu’on leur a coupé leurs jambes pour qu’ils ramènent plus d’argent.
-
VARANASI : industrie de la chips en hausse
On
se souvient de manière mélancolique de ces dimanches en familles où quand les
beaux jours revenaient nous pic-niquions
et piochions dans le gros sac de chips avant de les faire croustiller
sous nos dents.
A
Varanasi nombre d’habitants les produisent sur les trottoirs ces chips, et ce,
sans utiliser de matière première ! Il leurs suffit pour cela de ce
gratter. Et oui, ils sont lépreux…
Tu
me diras, l’avantage c’est que eux ils savent avant l’heure en quoi ils se
réincarnent, et en un paquet de chips,
c’est mieux qu’en une vache je trouve.
Bon
appétit.
-
VARANASI, ville du barbecue…
Je
crois que je vais arrêter d’essayer d’être optimiste sous peine de me prendre
un procès au cul par les associations nécrophiles, et puis de toute façon
l’optimisme ça me va mal !
Bon
alors vous l’aurez compris, Varanasi n’est pas vraiment un paradis pour vous décompresser
de la tension du boulot sous les cocotiers.
Il
s’agit de la ville la plus sacrée d’Inde sur les rives du Gange.
Les
Indiens viennent s’y recueillir, prier et y mourir.
Pourquoi
y mourir ? Afin d’échapper au cycle des réincarnations. Car oui, si l’on
meurt à Varanasi, et si nos restes sont rejettés dans le Gange, l’homme échappe
à ce cycle infernal.
Cette
ville est donc une véritable cour des miracles où les vieillards et les malades
se concentrent pour attendre leur heure et mendient pour subvenir à leurs
besoins d’ici là.
La « visite »
de la ville se concentre essentiellement sur la découverte des
« ghats », escaliers qui descendent dans le Gange et bordent ce
fleuve sacré sur environ 6km.
Les Ghats de Varanasi |
Les
scènes de vie varient au fur et à mesure que nous avançons sur ces ghats.
Ici,
le matin, voilà des pèlerins qui s’immergent totalement en effectuant 3 flexions
des jambes pour se purifier, puis
sortent de l’eau.
Toilette purificatrice |
D’autres, après s’être aspergés entièrement nettoient et
massent les bufflent qui passent par là.
la belle vie des buffles |
D’autres encore font suivre leur bain
purificateur de la lessive de leurs vêtements.
Un intello à la lessive |
Un sèche linge pour le blanc |
Là
bas sur le Dasaswamedh Ghat, c’est Shiva qui est à l’honneur. Tous les soirs,
des feux de joie, des prières et des danses s’y déroulent. Les fidèles
reçoivent enfin une marque rouge sur le front et quelques grains de riz
distribués par les brahmanes avant de se disperser dans les ruelles sinueuses
de la vieille ville, laissant le calme regagner ce ghat.
Offrandes à Shiva |
Une prière pour Shiva |
La
« découverte » des Manikharnika Ghat et le Harishandra Ghat, les deux
principaux Ghats de crémation, a été à
la fois emprunte d’étonnement, de questionnements, et de moments émouvants. Tout
est différent de chez nous mais malgré toute cette différence, l’endroit est
priant, recueillant.
Dans
les 24heures suivant de décès, le défunt est habillé, et recouvert d’un linge
blanc. Il est ensuite placé sur un brancard de bambou et recouvert de divers
tissus colorés dans les tons orange. Au dessus de ces tissus orangés, des
fleurs sont installées.
Puis
le brancard est porté à pieds par les hommes de la famille jusqu’à l’un des
ghat de crémation. Pendant qu’ils arpentent les rues de la ville, les hommes
répètent inlassablement et jusqu’à la
destination finale du défunt une même phrase dont nous ne sommes pas parvenus à
décrypter le sens.
Dans
un premier temps, le corps est entièrement immergé dans le Gange. Il est
ensuite placé sur les rives, et le visage est découvert pour que chacun des
membres de la famille puisse prendre, par cinq fois, l’eau du Gange entre ses
mains et en asperge la bouche du défunt.
Le
corps est ensuite recouvert et attend d’être placé sur un bûcher préparé par
des membres de la plus basse caste, les intouchables.
Harishandra Ghat |
Une
fois le bûcher dressé et le corps installé à son sommet, le fils aîné du défunt
(ou le plus proche parent mâle), revêtu d’un sari blanc sans coutures et dont
la tête à été préalablement rasée à l’exception d’une jolie queue de rat, fait
le tour du bûcher en tenant des brins de pailles incandescent, puis allume, au
niveau des pieds du défunt, le bûcher de son parent.
Les
intouchables ont l’ingrate tâche de veiller à ce que le feu continue d’être
alimenté, et à placer, tout au long de la crémation, les restes humains de la
meilleure manière pour qu’ils brûlent.
Cette
scène est parfois difficile à regarder et on est contraint de détourner le
regard pour ne pas trop en voir. Je dis « on » mais en fait les
indiens, même la famille, parvient à regarder consumer les restes de leurs
parents et les manipulations des intouchables. Je pense que pour eux c’est
comme voir une mise en bière pour nous.
En
disant « la famille », je ne suis pas tout à fait dans le vrai :
seuls les hommes de la famille sont acceptés lors de cette cérémonie. Les
femmes risquant de pleurer et leurs larmes freineraient l’accession du défunt
au Nirvana. Elles sont également écartées pour éviter qu’elles se jettent dans
le bûcher, comme cela arrivait souvent par le passé.
Malgré
cette prohibition, nous avons assisté à la venue d’une femme en pleurs qui
souhaitait voir une dernière fois son fils alors que celui-ci attendait d’être
placé sur le bûcher. Les hommes l’ont vite écartée. Le moment était assez poignant
parce que c’est la seule fois que nous avons vu de la tristesse s’exprimer ouvertement
lors de cette cérémonie funéraire.
Quelques
secondes après que la mère ait été écartée, une enfant se précipitait entre les
quatre bûchers embrasés, en agitant ses bras levés, les yeux rivés vers le
ciel. Il était captivé par l’itinéraire son cerf-volant et semblait ne pas voir
se qui se tramait autour de lui. Cette scène aussi étrange qu’insolite (un
enfant plein de vie au milieu de cadavres brulant) n’étonnait que nous. Les
locaux et la famille n’y prêtaient qu’un regard distrait. Après tout, autour
des bûchers errent chiens, chèvres, buffles et maîtres du feu, alors un enfant…
rien de bien choquant.
Vous
l’aurez compris le rite funéraire de Varanasi ne peux pas vous laisser
indifférent. « On reconnaît la grandeur des civilisation à la manière dont
ils traitent leurs défunt » disait … Pas de doute donc la civilisation
indienne est d’une richesse folle et alors que Varanasi est notre dernière
escale dans ce pays, nous n’avons qu’un conseil si vous souhaitez visiter
l’Inde : Faites abstraction des ordures qui jonchent tous les sols, faites
abstraction des bruits incessants (klaxons, cris, machines…) qui traduisent une
surpopulation visible par n’importe qui, et savourez.
Saris séchant au soleil |
Le lever des voiles |
Savourez
cette incomparable palette de couleurs qui s’étale sous vos yeux, savourer ces
histoires extraordinaires de la mythologie Indoue, ces rites qu’on croirait
venus d’une autre planète plus que d’un autre temps, ces chefs-d’œuvre de
l’architecture d’un style unique, savourez ces chants à la mélodie
imprévisible…
Namaste !
Vous êtes en Inde.
Quant
à nous, c’est dans un état grippal que nous nous apprêtons à faire un voyage de
24heures pour passer la frontière du Népal. Florent doit avoir environ 40° de
fièvre. Si nous étions au 18ème siècle, à bord d’une frégate en
provenance des pays touchés par la peste, nous serions mis en quarantaine dans
la rade de Marseille et n’aurions jamais eu l’autorisation d’y accoster pour de
bon… J’espère que le Népal n’est pas la France du 18ème siècle. « Souris, fais comme si tout allait bien »
allais-je dire plus tard à Flo, à la frontière Népalaise.
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