Ca y
est nous y sommes ! Les portes de Manang s’ouvrent à nous comme pour nous
souhaiter la bienvenue à ce premier village de haute altitude. Comme conseillé
par tous les locaux et trekkeurs habitués, nous avions prévu d’y faire une
halte de 2 jours pour que notre corps s’habitue au manque d’oxygène et produise
les précieux globules rouges dont nous aurons besoin pour aller en haut.
Nous
étions informés depuis le commencement de notre treck du problème du mal
d’altitude qui touchait certains trekkeurs, de ses dangers et ses symptômes
(maux de tête et vomissements) mais evidemment nous ne l’envisagions pas pour
nous (et moi encore moins pour moi)…
Deux insouciants sur la route |
Depuis
Pisang, un léger mal de tête me taraude, mais pas suffisamment pour m’en
inquiéter aussi me tus-je sur ce mal et parvins-je sans encombre à Manang.
Entre Pisang et Manang |
Une
Guest house aux allures chaleureuses de chalet de montagne accepta notre deal
habituel de radins (pas de paiement de la chambre mais souper et petit dej sur
place) et c’est ainsi que je décidai de me reposer quelques instants pour
palier à ce mal léger mais coriace mal. Après dix minutes de repos, le mal de
crâne frappait désormais à coups de marteau dans ma tête, mon corps se
débarrassa des ingrédients ingurgités dans la journée et toutes mes forces
semblaient s’être envolées.
La
propriétaire de la Guest House affirmait à Florent que ça touchait beaucoup de
personnes à cette étape. J’étais pourtant la seule à vaciller entre ma chambre
et les toilettes cette nuit là.
Mon
corps ne parvenait pas à garder ne serait-ce que l’eau chaude que m’amenait attendrissement
Flo, lequel me répétait qu’il fallait que je m’hydrate. Je voyais dans son regard,
qui se croyait pourtant rassurant, que je devais être dans un sale état. A un
moment dans la nuit la propriétaire frappa à la porte et annonça à Flo que le
médecin des montagnes ne pourrait pas être là avant 4 jours.
-« Si tu ne parviens pas à t’hydrater, comment
allons nous faire pour redescendre ? » me questionna-t-il sans réellement attendre de réponse.
-
« Laisse moi un nuit, peut être que
demain mon corps se sera habitué» lui
dis-je.
Au
rythme des coups de marteaux et entre deux voyages aux toilettes mes pensées se bousculaient dans ma tête. Je
me souvenais de ce jour, la veille du dernier partiel d’un semestre (donc avec
déjà pas mal d’heures de sommeil manquantes) où je devais apprendre un poly de
150 pages de droit des transports terrestres et aériens (cours évidemment où je
n’avais pas mis les pieds) et pour m’en sortir je m’étais dit : « Il faut voir le truc comme un test :
mon corps et ma mémoire me permettent-t-ils d’apprendre un cours en une
nuit ? ». Après une nuit de travail, une sieste de 20 minutes et
un partiel de 2 heures, j’y étais arrivée ! (Bon en rentrant chez moi je
me suis endormie dans le metro mais mon corps m’avait permis ce que je voulais
et c’était le principal). Je me souvenais des nombreuses montées de stress que
j’avais imposé à mon corps au cours de l’exercice de ma profession ou encore
lors de la bataille que j’avais menée contre ma banque, qui après m’avoir
formulée une offre de prêt que j’avais acceptée, ne voulais plus libérer les
fonds à mon attention. A tous ces moments
mon corps était mon allié le plus fidèle. Il ne m’avais jamais trahi,
jamais fait faux bon, il ne se plaignait pas et acceptait tout.
Et
maintenant que je me trouvais en montagne, il s’opposait à moi, il ne m’obéissait plus, il m’échappait, il
était devenu mon ennemi contre lequel toute bataille aurait été vaine. POURQUOI
MOI répétais-je dans mes sanglots occasionnés par la douleur du mal de crâne et
par la constatation de mon échec. Car oui il était évident à présent que je ne
pourrais pas monter à 5400 mètres alors qu’à 3500 mètres je me pliai de douleur.
Flo tentait de me consoler. Il était là, rassurant. Je ne le croyais pas quand
il me disait que tout rentrerait dans l’ordre mais j’aimais entendre ces mots.
Au
petit matin et après la nuit la plus longue de toute ma vie, le mal de tête se
dissipait. Je parvenais à garder l’eau que je buvais et plus tard dans la
journée, à garder les aliments. Avec 12
heures de retard mon corps avait enfin compris qu’il fallait produire des
globules rouges. Houra !
Je
ne savais plus quoi faire : redescendre ou continuer en espérant que ça ne
me reprenne pas. La décision fut pris par Flo « On redescend et c’est pas négociable » m’annonça-t-il. Je
savais son envie de voir des Yack depuis le début du treck (les yack se situant
au dessus de 4000 mètres) et je le voyais mettre lui même une croix sur ses
envies et ses objectifs juste parce qu’il s’inquiétait pour moi. Il ne voulait
plus prendre le moindre risque et m’obligeais à ne pas réfléchir sur la suite à
donner à notre treck ; sa décision était prise et m’était comme
imposée : nous redescendrions.
Deux
jours passèrent à Manang avant que je sois complètement rétablie. Au petit
matin du troisième jour, nous repartîmes lestés de nos sacs à dos en direction de
la descente. Tout au long du chemin du retour je ne cessai de me poser la même
question « Avons-nous bien fait de
redescendre où aurions nous du persévérer ».
Autour
de nous et au fur et à mesure de notre descente les mêmes paysages qu’à l’aller
se dessinaient, ceux rocailleux marquant l’altitude passaient lentement le
relais à d’autres plus verdoyant en contrebas.
Troupeau de chèvres dans les plaines sèches de là haut |
Nous
avions beau avoir déjà vu ce décor, nous demeurions impressionnés par tant de
majesté.
Ici des troupeaux d’ânes venant approvisionner les villages, là bas
des chevaux en liberté attendaient d’être scellés et des chèvres productrices
d’une précieuse laine d’être tondues.
Troupeau d'ânes lestés, à la queue leu leu |
Et ouai, ya pas que les ânes qui bossent... |
Une glandeuse dont la seule vocation est de faire de beaux poils |
Le soir, les petits villages de pierre sombres se coiffaient de cheminées
fumantes marquant l’emplacement des diverses cuisines.
Petit thé en préparation dans la cuisine |
Puis
le printemps s’empara des arbres
indécents de par leur nudité. Les cerisiers étaient de loin mes préférés ;
Tantôt blanc, tantôt rose paraissant à la fois si faibles et si forts, ils
semblaient habiller de dentelle un paysage ridé et comme fatiguée par les
siècles… Que dis-je les millénaires.
Un air de printemps |
La
couleur qui emménageait nouvellement dans la montagne occupait également les
rizières, les champs où paissaient les troupeaux et les humains.
Une porteuse sur la route |
En effet, au cours de la traversée de l’un de ces vertigineux ponts qui enjambe la
Marsyangdi, un villageois dont le visage était entièrement bleu nous criais par
sa fenêtre « Happy Holiday, Happy Holiday ». C’était la première fois
depuis le commencement de notre voyage qu’on nous souhaitait de passer de
bonnes vacances. Habituellement les locaux nous souhaitent la bienvenue dans
leur pays, nous demandent comment nous allons, d’où nous venons… Mais jamais
encore on ne nous avait souhaité de bonnes vacances. Quelle âme charitable me
dis-je.
L'un des ponts du treck |
Le pont-sèche linge |
Nous
allions arriver dans le village du schtroumf charitable quand stupéfaits nous
remarquions que tous les habitants avaient tous la peau colorée de rouge, de
jaune, de vert et de bleu. Ils se ruèrent sur nous, nous lancèrent du pigment
rouge en hurlant « Happy Holiday». Après quelques secondes nous réalisions
ce qui se passait là (et plus généralement dans tout le Népal et toute
l’Inde) : C’était la fête indoue d’Holi, ou la fête des couleurs, qui
célèbre la venue du printemps et on nous souhaitait un happy Holi day…
Nous
allions passer quelques instants à nous « battre » contre les
villageois à coups de lancers de pigments et d’eau, avant de reprendre la route
et de croiser un nouveau village où nous remettions ça. Le printemps ici
s’emparait donc des hommes !
Happy Holi day |
C’est
la tête et le corps pleins de couleurs que nous quittions ces montagnes pour
rejoindre Pokhara puis la vallée de Katmandou.
PS: Si vous souhaitez voir plus de photos sur ce trek, dirigez-vous vers l'onglet Pays, séléctionnez Népal, puis Album photo.
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