L’autobus sort de
l’autoroute. Il passe le péage et s’arrête. Le sbire du conducteur nous fait
signe que c’est notre escale et qu’il nous faut descendre. Il sort. Nous le
suivons. Il ouvre les soutes. Il sort nos bagages. Il rerentre dans le bus. La
porte du bus se ferme. Le bus s’en va. On est abasourdi. On explose de rire,
c’est nerveux !
Nous sommes censés
être arrivés dans le plus beau village de la Chine Ancienne, nous sommes à la
sortie de l’autoroute, au niveau d’un péage.
Nous marchons.
Une demi heure
plus tard, on aperçoit un boulevard, puis deux, puis une énorme ville moderne.
L’un des panneaux de signalisation indiquait la ville historique. Nous prenons
cette direction pendant une petite heure et nous devinons la muraille qui
encercle la vieille cité.
Les remparts de la ville |
Nous passons ces remparts et tombons sous le charme de la Chine Impériale, de la Chine des
Aventures de Tintin dans le Lotus Bleu (ça c’est de la référence).
Des ruelles pavées
qui portent encore l’empreinte des roues des charrettes qui jadis passaient là,
des maisons traditionnelles protégées par un torchis orangé et articulées
autour d’une cour rectangulaire, des commerces aux devantures de bois sculpté...
Notre Hôtel se
situait justement dans l’une de ces maisons traditionnelles. Nous appréhendions
sur la qualité de celui ci.
La Chine n’étant
pas un pays de Backpackers, les prix sont souvent élevés et il est difficile de
trouver des « bons plans ». Du coup nous avons décidé de réserver
les nouveaux hôtels, ceux qui viennent d’ouvrir et n’ont donc pas encore de
réputation internet. Bref ceux qui pratiquent des prix plus bas que les autres.
Un habitant de
Pingyao nous aide à trouver le chemin de notre hôtel. On longe un champ
improvisé où un âne attelé à une charrette attendait, puis on passe une basse
porte de bois sur laquelle est affiché un gribouillis chinois. Nous sommes dans
la cour d’une ferme en U. L’homme nous fait comprendre que c’est ici, et c’est
à ce moment là que la propriétaire des lieux nous accueillis
chaleureusement (bien que nous ne
comprenions rien à ce qu’elle disait) en nous accompagnant dans l’unique aile
restaurée, celle du milieu du U.
C’était exactement
ce que nous cherchions : l’authentique mêlé au confort du neuf.
Puis la
propriétaire s’en alla subitement pour revenir quelques minutes plus tard les
bras chargés de sorte de petites pommes son jardin et de « moon
cakes » (l’un des gâteaux traditionnels chinois) qu’elle nous avait
préparés.
petits fruits et moon cakes |
C’est aussi ça
être les premiers clients d’un hôtel : être bichonné par un propriétaire à
la fois flatté et fier que son établissement se remplisse. Mais être les
premiers clients d’un hôtel, c’est aussi découvrir des choses inattendues. Ici,
c’était le lit.
Un lit
« kang » (lit traditionnel), soit une paillasse sur haute estrade en
brique.
C’était tellement
dur qu’on décidait que notre couette servirait de matelas.
En hiver les locaux
mettent des braises sous l’estrade qui s’ouvre par une sorte de fenêtre.
Heureusement nous n’étions qu’au début de l’automne, parce que perso, dormir
sur une paillasse, par principe en paille, au dessus de braises je ne le sens
pas vraiment ou plutôt, je sens le cochon grillé d'avance...
La découverte du
moon cake mérite elle aussi une petite description.
Mais comment vous
le décrire sans vous décourager ?
Alors le
« moon cake », c’est un gâteau dont chacune des bouchées a l’avantage
de vous nourrir pour plusieurs jours. Il a également l’avantage de remplacer le
Smecta. On fera donc des économies sur notre trousse à pharmacie.
Le soir venu, nous
nous installons dans la cour rectangulaire de l’un des Siheyuan (demeures
anciennes de la ville) pour y « SoupeDeNouiller ».
Une cour typique de Siheyuan |
Nous faisons le
point sur nos visites du lendemain et l’obstacle financier se profile pour la
fin de notre périple en Chine.
En effet, si la Chine n’est pas un pays trop
cher concernant l’hôtellerie et la nourriture, les transports représentent un
coût non négligeable, (surtout que nous traversons cet Empire du Laos à la
Mongolie) tandis que les prix des visites vous achèvent littéralement.
Chaque haut lieu à
visiter coûte en moyenne 160Yuans par personne, soit 40 euros à 2. Nous en
avons une quinzaine à visiter pour ce premier mois en Chine, ce qui représente
donc un budget de 600 euros par mois juste pour entrer dans les sites. Nous
n’avons pas ce budget. Nous sommes donc contraint de faire des économies et de
subir certaines privations.
Ce jour là dans
notre cour rectangulaire, nous avions à nouveau un dilemme économique. Le
billet unique pour visiter « les musées » de la ville et sa muraille
coûte encore 160 Yuans par personne. Or notre Routard nous indique que si la
balade dans la ville (gratuite et à satiété) est inévitable, les musées n’ont
que peu d’intérêt à l’exception toutefois des remparts, qui sont censés offrir
une balade insolite et impressionnante. La problématique est
donc : « Doit-on encore payer 40 euros uniquement pour la balade
sur les remparts ? ».
Non, on ne prendra
pas le billet unique de la ville, mais nous ne nous avouons pas vaincus pour
autant. La solution trouvée autour de la soupe de nouille était la
suivante : nous marcherons aux pieds des remparts, et à l’une des entrées
nous tenterons de corrompre l’un des gardiens pour y monter.
C’est le cœur
allégé par cette solution digne et honorable que nous retrouvons notre
paillasse.
notre hôtel de nuit. |
Le lendemain,
notre mission première consistait à mettre notre plan a exécution. Nous longeons
donc les pieds des remparts délaissés par les touristes au profit de leur tête. Au loin l’une des
entrées se profile. Nous l’atteignons. Nous arrivons devant le garde qui nous
demande notre ticket. Nous faisons mine de ne pas savoir qu’il fallait un ticket
spécifique, nous lui affirmons que nous ne souhaitons pas avoir un ticket pour
tous les musées de la ville mais uniquement pour les remparts et nous lui en
demandons le prix, cette demande étant bien entendue accompagnée de notre plus
expressive tête d’abrutis, pour une meilleure crédibilité et de la tenue d’un
joli billet : l’appât. Le garde continue de nous faire signe qu’il faut
acheter le ticket global ailleurs ; là où il pointe le doigt. Nous allions
nous retourner lorsqu’il va chercher derrière son bureau un papier à
l’attention d’un touriste occidental. « Bonjour, je collectionne les
monnaies étrangères et ça me ferait plaisir que vous participiez à
l’agrandissement de ma collection ».
Ahhh le garde commençait
à nous intéresser et à entrer dans notre plan. Nous cherchons dans notre
portefeuille les kip laotiennes que nous n’avions pas pu échanger en chine,
cette monnaye étant ici inconnue de toutes les banques… Par chance, les kips
laotiennes se comptent en milliers. Une telle quantité de zéros sur les billets pourrait impressionner le
garde !
Nous lui tendons
donc les kips qu’il nous restait. Le garde les prends, nous dis merci en
chinois et … c’est tout. Nous lui faisons comprendre que nous souhaitons passer
son tourniquet mais il continue de nous faire « nan-nan » de la tête.
Alors là, on s’attendait à tout sauf à ça. Il nous a pris pour des jambons ou
quoi ? On lui reprend les kips des mains. Il est dégouté… nous aussi.
Pas simple à
corrompre un chinois quand on ne parle pas la langue.
Une seule idée me
tiraillait : trouver la solution pour voir la cime de la muraille sans
payer le ticket global.
Minus me consulta.
-
« Flo : Et maintenant Cortex, on fait quoi ? .
-
Moi : On va conquérir le monde.
-
Flo : Et comment qu’on va faire Cortex ? "
A l’abri des
oreilles indiscrètes je lui exposai mon plan B.
Celui-ci repose
sur mon maître mot à savoir « il y a toujours une faille, trouve
là! ».
Comment faire pour
trouver la faille de la muraille de Pingyao? Pour nous imprégner du problème
il faut l’approcher, l’espionner, ne pas la lâcher.
Les mauvais plans de Minus (cf la dalle de là haut) |
On la longe.
Pas de faille.
Tout à coup on voit une rampe d’accès dépourvue de garde. On la franchit et là
haut, une porte. On pousse. De toutes nos forces. Elle ne bouge pas d’un iota.
De là haut, même du mauvais côté de la porte, on a une petite vue sur la cime
de la muraille. On voit les tours de guet, le pavement au sol mais on
manque soit de proximité soit de hauteur pour la voir aisément.
Flo à la porte. |
-
« Flo : Alors Cortex, on a conquis le monde ?
-
Moi : Pas encore Minus.
- - Et comment qu’on va faire pour conquérir le monde ?"
J’exposai mon plan
C. Minus trouvait l’idée géniale. Il me suivit.
Le plan C reposait
sur mon maître mot n°2 à savoir « S’il n’y a pas de faille dans l’objet de
ta convoitise, il y en a une dans un objet tiers qui donne accès à l’objet de
ta convoitise». Tu me suis toujours ou je t’ai hypnotisé ?
On part donc à la
recherche d’une haute Siheyuan (une maison traditionnelle) qui fait face au
mur. Le but, en trouver une au moins aussi haute que les remparts pour voir
distinctement leur cime.
A la recherche d'une Sehuyan |
On continue donc
de longer le mur mais en regardant les Siheyuan cette fois-ci.
Un chien aboie et
attire notre attention. Il est au pied d’une haute Siheyuan abandonnée. Ca
semble parfait. On monte les escaliers qui mènent au toit-terrasse. Là haut, on
contemple notre objectif : Nous avons conquis le monde !
Les remparts |
Une tour de guet |
On voyait à quoi
ressemblait le haut d’un des remparts les plus hauts et les plus larges de
Chine.
Nos traditionnels
chemins de ronde font pâle figure à côté d’eux.
Dans les films médiévaux on voit bien le problème : la cime des
murs manque de largeur ! Du coup, les gardes perdent équilibre, peinent à
se croiser ou à faire d’amples mouvements. Les réalisateurs n’auraient pas à
faire face à ce problème s’ils choisissaient les remparts de Pingyao. Combien
d’acteurs seraient encore là aujourd’hui s’ils avaient combattus depuis le mur
en face de nous?
Alors on continue
de regarder ce mur salvateur aux tours de guet toutes intactes, au pavement si
parfait, au prix tellement aberrant que c’est jouissif d’être parvenu à le voir
sans payer ce fameux billet!
On était tellement
omnubilés par ce mur qu’on ne s’est pas douté un instant que ce qui allait au
moins autant nous convaincre, ce serait la vue sur tous les toits des Siheyuan.
Vue sur les toits |
Une vision
poétique.
Le temps d’un
songe, vous vous déchaussiez, vous teniez vous souliers par une main, et vous
entrepreniez une marche de faît en faît, des sauts de gargouilles-dragons en
gargouilles-dragons, et quelques arrêts-méditation.
Un chat passe.
Il vous vole la
vedette de votre songe.
Il est temps de rentrer.
Contents de notre toit- terrasse |
Le jour suivant
sera dédié aux zones non touristiques de la ville.
C’est un Pingyao
moins clinquant mais tout aussi beau que nous découvrons.
Là, au pieds du
mur, un groupe d’homme se rassemble autour d’un jeu de Majong, plus loin on
croisera une charrue qui transportait du purin à raz bord nous forçant un
bouchage de nez pendant 10 minutes, ce sera ensuite à l’âne-frustré de faire
son entrée en scène. Un âne attaché à un arbre avec si peu de mou qu’il ne
pouvait même pas brouter l’herbe à ses pieds. Il arracha la pitié de Florent
qui désherba le secteur pour lui.
La charrue qui pue! |
Deux ânes se tenant compagnie. |
Puis, une mélodie. Un chanteur ? ah non
c’est un vendeur de pommes ambulant. A une vingtaine de mètres, la mélodie
s’arrête. Un client s’approvisionne à ce cycliste-marchand, et la mélodie
reprend de plus belle. Que chante-t-il ? Une ode à ses pommes ? On
l’imagine aisément : « Je vends des pommes, des pommes bien mures, ce
sont mes pommes, un produit sure, je vends des pommes… ».
le chanteur-vendeur de pommes |
Au gré de la
marche dans les rues isolées, les pommes sont remplacées, non plus de manière
sonore mais de manière olfactive, par la cuisson de tofu puant. Une odeur
capable de vous donner des hauts le cœur ; une odeur capable de faire
saliver plus d’un chinois… Ahh oui c’est sure, tous les gouts sont dans la
nature !
Encore une soirée
dans cette ville sortie tout droit du lotus bleu et au petit matin à l’heure ou
blanchit la campagne nous partirons, pour l’un des voyage les plus agréable: le
TGV chinois. 3 heures pour 600 km. On retrouvait un court instant une notion
française de ce qu’est, un trajet rondement mené.
Le petit plus des
TGV chinois : un très grand espace pour vos jambes.
Le petit (gros)
moins: ça reste un compartiment de roteurs, de racleurs de george, et de
bailleurs-hurleurs (parce qu’on ne change pas une équipe qui gagne !).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire