Nous sommes entrés par la porte où nos ainés étaient sortis : à Dien Bien Phu.
Et en arrivant dans cette ville, symbole de la défaite de nos
compatriotes, notre humeur était de circonstance.
Bon, pour être tout a fait honnête, ce n'est pas l’histoire de
Dien Bien Phu qui a causé ladite humeur mais le trajet que nous venions d'effectuer.
Tout commença donc un frais matin a la gare routière de Luang
Prabang (au Laos). Notre conducteur qui avait pour mission de nous déposer au
pays voisin nous accueillit de manière totalement inattendue: en nous offrant
gracieusement des sacs plastiques.
Nous les refusions poliment. Depuis le temps que nous voyagions
nous étions habitués aux inconvénients des moyens de transports, pensais-je
naïvement.
Grave erreur…
C est donc la tête a la fenêtre du van que je me vidais ce jour
là. Heureusement les autres passagers ne me virent pas, trop occupes qu’ils
étaient a remplir leur propre sac plastique.
Quand la route et mon ventre me laissait quelques minutes de
répit je me tournais vers Flo qui m énumérait le nombre de morts par an sur les
routes Laotiennes et qui me demandait s'il ne valait mieux pas reprendre nos
bagages et sortir de ce véhicule au conducteur fou. Pas ivre, non. Juste fou.
Mais nous étions trop déterminés à arriver ce jour là au
Vietnam.
Lorsque nous arrivâmes (chose extraordinaire en elle même) nous
ne savions plus si nous voulions prendre le bus dès le lendemain pour Sapa, où
attendre encore une peu à Dien Bien Phu,
histoire de nous remettre un peu de ce voyage aux allures de suicide collectif.
Le choix de la date de notre départ à Sapa a été guidé par un
raisonnement logique : nous commencions à avoir peur du bus. Or, dans
notre voyage nous ne pouvons pas nous permettre ce type de peurs. Par
conséquent, pour ne pas laisser place à un traumatisme, il fallait reprendre le
bus le plus vite possible, soit le lendemain. Nous prenions donc les billets de
bus et filions nous coucher.
Le lendemain matin, mon ordinateur ne s’allumait plus… C’était
sa première attaque cardiaque.
Après une nuit dans le bus tous nos problèmes semblaient
réglés : nous n’avions plus peur du bus, le conducteur ayant conduit prudemment, et mon ordinateur se rallumait à nouveau.
Pour fêter ça on décide de se prendre un petit déjeuner bien de
chez nous dans LA boulangerie de Sapa.
On a été bien inspirés : il semble que ce soit le point de
ralliement des français. Comme c’est étonnant ! Inspirés par ces pains au
chocolat, on ose toucher quelques mots à nos voisines.
Elles sont ici pour faire une mission humanitaire : aider à
la construction d’une école pour les enfants défavorisés des montagnes et
dispenser aux enfants qui sont déjà sur place des cours d’anglais. Je les
soupçonne d’avoir vu notre envie bifurquer du pain au chocolat à la mission
qu’elles nous décrivaient.
-
« Si ça vous tente, venez avec nous », nous proposa Alix !
Et c’est ainsi que nous arrivâmes à 4 à la guest-house de
« Hope Sapa Center ». Avant le commencement de la mission nous avions
une journée à tuer. On en profite pour louer des motos, et aller explorer les montagnes et ses villages.
On avait avec nous le meilleur guide de la région : Maï,
une jeune vietnamienne, originaire d’Hanoï, qui travaille à plein temps à Hope
Sapa Center pour coordonner l’action des volontaires et les guider.
Avec Maï |
Flo en compagnie d'une chanteuse Hmong |
Alix confiante |
Poursuivie par des Hmongs! |
Cette fameuse semaine, nous étions 8 volontaires : un italien répondant au nom de Marco, un couple
d’autrichiens Elisa et Dominique, un allemand complètement zélé (pas d’alcool,
pas de viandes, pas de clopes), Laurenz, qu’on appelait Lolo devant lui, et
Bouddha derrière lui,. Pour moi c’était donc exclusivement Bouddha. Enfin, il y
avait le groupe le plus fun : celui des français, composé des
filles : Aude et Alix et de nous of course.
les enfants, Aude la photographe , Alix dite "not with us", Dominique, Elisa, Marco, Flo, Cha, Moi, Bouddha (ça se voit qu'il est super fun hein? ) |
Nos tâches devaient s’exercer l’après midi et consistait pour
une partie d’entre nous à aider dans les champs autour du centre pour les
cultures (riz, choux, artichaux…) pendant que l’autre partie donnait des cours
d’anglais aux enfants qui venaient au centre. On alternait.
Genre mais genre. |
Pendant ce temps les enfants ils bossent ici! |
Voilà qui est plus réaliste |
Dans les rizières |
Le reste du temps, on se reposait, on se baladait aux alentours,
et on s’occupait des enfants qui restaient au centre.
Parmi eux, le petit Cha (prononcer Tcha) était mon petit chouchou.
A table! |
Sur un buffle; normal quoi. |
Parmi eux, le petit Cha (prononcer Tcha) était mon petit chouchou.
Avec mon chouchou |
Mais l’enfant ne pouvait espérer trouver dans son nouveau
« foyer » la famille qui lui manquait. En effet, l’oncle est le n°2 sur la liste des héritiers au lopin de
terre. Autrement dit, au décès de Chat, c’est lui qui hériter de la terre de
son frère défunt.
C’est ainsi que l’oncle laissait l’enfant à la merci de tous les
dangers, le laissant à la rue quémander de la nourriture à qui voudrait bien
lui en donner.
Un jour Cha découvrit le centre. Depuis il y revient tous les
matins : A 6heures il frappait à la porte. Si initialement il venait y
chercher à manger, il ne fait aucun doute qu’aujourd’hui Chat venait y trouver
sa dose d’amour et d’attention : il nous rejoignait dans nos lits pour le
câlin du matin, puis il demandait qu’on l’aide à faire sa douche, sa lessive,
puis qu’on joue avec lui. Le tout sans parler un mot d’anglais, juste avec des
gestes, des rires et un langage connu de personne (même de pas de Maï qui ne
parle parlait pas Hmong).
Peter, le président de l’Association a tenté de parler à
l’oncle, lui a demandé d’abandonner la garde de Cha pour qu’il puisse l’avoir
lui, afin que l’enfant dorme au centre et non pas dans la rue. Mais en signant
de tels papiers, la terre convoitée reviendrait au gouvernement vietnamien.
L’oncle refuse donc. Peter refuse quand à lui d’abriter Chat pour la nuit de
peur qu’il ne soit dénoncé (notamment par l’oncle) pour enlèvement d’enfant et
que son centre d’éducation ne soit fermé.
Une triste routine rythmait donc la vie du petit Cha :
chaque matin il revenait les yeux pleins d’espoirs et le sourire aux lèvre et
chaque soir après le dîner il repartait les yeux sombres et humides pour passer
une nuit… on ne sait où… mais pas au centre.
Parfois, je me demandais si Peter ne faisait pas un peu trop de
zèle à refuser que Cha dorme au centre, risquait-il vraiment de voir fermer son
centre, les policiers avaient-ils vraiment ce pouvoir ?
Je n’ai pas tardé à avoir la réponse à cette question.
Un soir alors que nous (tous les volontaires) discutions dans le
jardin du centre au alentours de minuit, 4 policiers entrèrent et demandèrent à
parler aux propriétaires. Seule Maï était là : Peter était reparti à Sapa.
Ca ne sentait pas bon : les policiers nous montraient du doigt et
adoptaient un ton ferme. Nous nous eclipsions dans nos chambres. Flo écrivait à
nos parents pour décrire ce qui se passait et nommait tous les volontaires qui
étaient avec nous. Pendant ce temps les filles et moi cherchions le numéro de
téléphone de l’ambassade française dans nos livres. Le numéro de l’ambassade
était prêt sur nos portables, nos proches étaient prévenus. Si la situation
devait dégénérer, nous avions fait ce que nous devions faire.
Dans la pièce d’à côté la discussion continuait. Ouf… on
entendait la voix de Peter qui était revenu. Au milieu de ce langage qui nous
est inconnu on reconnaissait le mot « homestay ». Le problème c’était
bien nous. Dans un pays communiste où l’étranger ne doit pas dormir chez les
locaux et où le homestay est très récemment toléré à condition de payer un pot
de vin aux flics, des blancs chez des vietnamiens ça fait tache. Peter criait
que ce n’était pas un homestay puisque nous étions volontaires, les policiers
semblaient refuser l’argument. Peter mis la main à la poche, le ton a baissé,
ils sont partis.
Le lendemain, j’interrogeais Peter sur l’événement de la veille.
Il éclata. Il était à bout de toute cette corruption, il criait qu’il voulait
juste aider les enfants, qu’il avait refusé que son centre soit financé par le
gouvernement pour éviter ces pressions, pour rester libre de son enseignement,
et finalement il était quand même victime des injustices de cet état policier
où chaque membre veut s’en mettre plein les fouilles plutôt que de faire régner
un ordre juste.
Tout n’était donc
pas si rose dans ce centre de l’espoir. Pour les enfants le centre est un
paradis, pour nous volontaires c’est une belle histoire, pour Peter c’est un
combat.
Si vous cherchez à
parrainer un projet fiable et bon, n’hésitez pas à soutenir Peter dans son
projet, voici sa page facebook.
PS : Voilà l'album photo
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