samedi 4 octobre 2014

Singapour: Le bateau dans le ciel



La frontière est passée en 5 minutes chrono. Une demi heure plus tard, nous sommes en plein centre ville de cette cité-Etat. 
On file à l’auberge de jeunesse que nous avions réservée; l’hébergement le moins cher de la ville; l’hébergement le plus cher de notre voyage. En arrivant sur place on se rend compte que c’est aussi l’un des moins agréables du voyage (dans la catégorie des plus désagréables, l’Inde restant indétrônable) : Une chambre sans fenêtre, sans aération  où il y avait pile poil mais alors pile poil la place de mettre trois lits superposés. Les tenanciers ont donc mis 3 lits superposés. Lorsque tu te tenais debout dans cette chambre tu te retrouvais au pied du mur, au vrai sens du terme. Celui qui se trouvait dans le lit du haut était à 30 cm de la climatisation. On se contentera donc du lit simple d’en bas pour nous deux. On tâte les murs de la cellule. Une porte. On prend la clé des champs. Outre la myopie empruntée par chacun de nous à nos amies les taupes on adopte leurs habitudes et on se déplacera sous terre pendant cette escale. 
On sort du métro. L’horizon c’est le ciel. Les gratte-ciels se sont donnés rendez vous ici. 
Auparavant, ni Flo ni moi n’avions visité de ville moderne ; pas même New York. 
C’est une révélation. Nous yeux ne savent plus où regarder. On va de prouesses techniques en prouesses techniques. 
A ce moment là, toujours devant la bouche de metro, Flo et moi nous consultons. Qu’y a-t-il à voir à Singapour ? Il y a un énorme zoo, l’un des parc d’attractions les plus sensationnels du monde, un aquarium, des jardins et des musées. On refusera de faire tout ça. 
On est venu à Singapour pour une seule chose : prendre une claque architecturale, pour vivre l’extravagance d’une ville moderne ! 
Tous deux amoureux des vieilles pierres, on est bien servis à vivre en France. Mais il faut bien l’avouer : notre vieille patrie fait pâle figure dans la création de beau moderne. La grande dame de fer parisienne est aujourd’hui à la maison de retraite tandis que la jeune femme d’affaire de Puteaux ne parvient pas à la beauté malgré ses liftings et autres séjours chez l’esthéticienne.
Nous avons sélectionné deux choses à privilégier dans notre visite de Singapour : le quartier colonial anglais et le quartier des gratte-ciels, autour de la Marina baie. 
Les quartiers coloniaux on connaît   et on risque plus facilement de s’en lasser que la découverte d’un style tout nouveau. C’est donc de manière raisonnable qu’on décide de faire d’abord le quartier colonial et de profiter, pendant les deux jours qui suivront le l’architecture moderne. 
On traverse le Cavenagh Bridge, et on commence notre ballade au milieu des constructions néoclassiques. On  va d’abord saluer John Raffles, le fondateur de la ville,  qui garde l’ancien l’hôtel de ville, devenu aujourd’hui le Victoria Theatre.   



Salut à toi John!
Mon petit côté juriste me pousse à rendre visite au vieux parlement du gouvernement colonial, on frôle l’Empress Palace Building lorsque tout à coup, on le voit… le bateau dans le ciel. C’est lui. 
On ne tient plus. Notre raisonnement raisonnable de la sortie de métro tombe. On veut aller voir le quartier moderne. 
Renversement de situation, c’est le bateau dans le ciel qui est notre phare.
Bientôt on se trouve dans le quartier d’affaires. On continue. Nous sommes arrêtés de force par la rivière Singapour qui s’étend devant nous. De toute façon, on se serait arrêté quand même parce que ce qui borde la rivière, ce sont les constructions les plus belles, les plus originales, les plus farfelues, les plus, les plus, les plus… qu’il nous a été donné de voir en moderne. Face à nous 3 énormes tours de verre supportent la coque d’un immense bateau plat.  Là haut sur un pont de plus d’un hectare, un restaurant, un bar, et la plus grande piscine à débordement en altitude au monde. 

Le bateau dans le ciel
Aux pieds du bateau et de ses échasses, une construction en forme de feuille de lotus qui s’éclaire de toutes les couleurs la nuit, un Louis Vuitton en verre complètement biscornu, plus loin un pont en tube lumineux, sur l’autre rive l’Opéra en forme de Durian géant coupé en deux avec des « épines » rétractables qui s’éclairent la nuit comme des lucioles, le tout au milieu d’une forêt gratte-ciels élégants et tous différents… C’est une ville où l’on se dit sans cesse « quelle imagination, mais quelle imagination !!!! » ; C’est une ville où l’on se demande sans cesse « Pourquoi Dieu ne nous a donné que deux yeux ». 

Le quartier d'affaires

Les gratte-ciels 
Quoi qu’il en soit, il était temps d’installer le trépied pour nous prendre en photo pour le fameux bisou d’ailleurs. Je me place. Flo vérifie derrière l’objectif que l’emplacement est bon et que le bisou rendra quelque chose. Il enclenche le minuteur. 10- 9- 8- Flo est en face de moi en position Bisou 7- 6- 5- 4- Un gros passe dans le champ de vision de l’appareil photo. Le cliché est foutu. Puisqu’on est à l’étranger et que personne ne nous comprend, je m’énerve dans ma langue natale. 
« Merci le gros. Merci » lançais-je à son intention. 
« Je suis désolé, j’avais pas vu. Excusez moi » me répondit-il. 
C’était la première fois depuis 9 mois de voyage, que quelqu’un comprenais quand je l’insultais en français. J’avais honte. Je baissais la tête en marmonnant « c’est pas grave, c’est pas grave » et je me hâtais d’avancer vers le Marina Bay Sand (le bateau sur échasses). 
Le gros passe.
En arrivant au pied des échasses la nuit était tombée laissant place à un magnifique spectacle. En face, derrière la rivière Singapour on avait une vue sur les toits de la ville coloniale avec notamment la coupole verte de l’hôtel de ville qui se démarquait. Juste à droite de la vieille ville on voyait le quartier d’affaires et ses touches de lumière formées par les bureaux encore occupés.

Devant le quartier d'affaires
On se dirige vers le pont en tube de fils lumineux entrelacés lorsqu’une voix retentit dans des enceintes cachées on ne savait où. Trois faisceaux lumineux partaient de là haut ; de la coque du bateau dans le ciel et se dirigeaient vers le pont jouxtant le Louis Vuitton, juste aux pieds des échasses. Nul besoin d’être Maigret pour comprendre qu’il se passait quelque chose. Guidés par la curiosité, on se dirige vers le ponton.
Là, une fontaine crachait son eau pour en faire un écran en éventail. Les trois faisceaux lumineux du Marina Bay Sands avaient pour mission de projeter un film enchanteur qui devait être accompagné d’une jolie musique.

Le spectacle faisait renaître en vous l’enfant disparu. Le spectacle ? Non. Les spectacles. Car en plus de la projection sur le rideau d’eau, vous aviez, un peu plus loin sur le côté droit, le nénuphar qui se parait alternativement des couleurs de l’arc en ciel, derrière à gauche, les gratte-ciels qui hésitaient entre habits bleus et habits jaunes,  le pont en tube de fils lumineux entrelacés et le Durian et ses épines lucioles. 

Le Marina baie Sands, le pont fou, le lotus et le quartier d'affaires
Oui, vous redeveniez un enfant  parce que l’explication vous échappait, parce que l’habitude n’avait pas encore fané votre curiosité, parce que tout ça était tellement immense par rapport à vous, petite fourmi. 
Même notre cellule que l’heure nous avait forcé à rejoindre, ne parvenait pas à nous atteindre de son caractère lugubre. La féérie avait décidément plus de puissance que la laideur et la puanteur assemblées…
Le lendemain, le programme était simple : tenter de vivre la vie d’un Singapourien, ou, exploser notre budget journalier de voyage. 
Comment faire ? Et bien c’est très simple : On se rend dans le quartier du Marina Bay, on entre dans le centre commercial en verre au pied des échasses pour y pratiquer le sport national : le shopping. 

shopping!!!!!
Nous n’avons acheté qu’une paire de chaussures à talons. Rien de notable… Et pourtant ! 
Lorsqu’on est une femme et qu’on fait un long voyage, il y a un truc qui est difficile : La perte d’une part de sa féminité. En effet, comment avoir une garde-robe étoffée lorsque notre sac à dos ne doit pas dépasser 8 kg ? Comment avoir un visage maquillé lorsqu’il fait en moyenne 35 degrés et que le taux d’humidité s’occupe de tout faire couler ? Comment avoir des cheveux disciplinés lorsqu’on ne comprend rien à ce qui est écrit sur la bouteille de shampoing et qu’on se fie simplement aux pêches, avocats ou autres fruits exotiques qui figurent sur l’étiquette ? Et plus généralement, comment avoir de l’allure alors que tous les trois jours tu remets ton gros sac à dos qui te donne un air d’escargot ? Alors oui, la féminité en prend un sérieux coup. J’ai même souvenir que ce simple fait m’a fait pleurer une fois, à Kuala Lumpur, où j’avais –du fait de la dengue- des plaques rouges sur le corps et une peau qui pelait sans raison sur un visage aux traits tirés. Un matin après m’être regardée dans le miroir je rejoignais mon lit et je pensais à la France. Si je n’étais pas partie, je n’aurais jamais eu plaques rouges et peau qui pèle. Je me serais maquillée avant d’aller au cabinet, Une base de fond de teint, un peu de blush sur les joues, un far à paupières qui oscille entre le blanc et le rose, du mascara, du rouge à lèvres et 2 pchits de « La vie est belle », mon parfum.  Les larmes me montaient aux yeux. Je réalisais que je ne me souvenais plus de moi lorsque j’ étais maquillée et habillée pour sortir à Paris. 
La crise passa et je me dis « si je n’étais pas partie, je n’aurais pas vécu ce rêve »....
Mais comprenez que les instants de voyages ou vous passez sous les mains du coiffeur, où vous vous faites faire un soin particulier ou tout simplement ou vous achetez de nouvelles fringues sont des bouffées d’oxygène qui vous redonnent la patate pour un petit bout de temps… Je referme cette parenthèse sur l’une des difficultés du voyage, étant entendu que  seules les femmes vivent cette difficulté. Les hommes, en revanche se complaisent dans leur crasse, pas de souffrance donc mais un épanouissement !
Les chaussures à talons achetées ce jour là me donnèrent donc des ailes. On continue alors la « visite » de l’un des mall les plus luxueux au monde ; d’un mall où l’extravagance est reine.
On découvrait notamment, à l’une des entrées, une sorte de demie-sphère inférieure en verre. A certaines heures, la demi-sphère se remplissait d’eau qui tourbillonnait violemment avant de s’écouler directement dans le sous-sol du centre commercial. Cela formait ainsi une sorte de cascade qui se vidait dans un lac constituant l’un des ronds points du mall. 
Du lac, partaient des canaux et des canots transportant des clients désireux de se rendre de boutiques en boutiques par la voie maritime. Pour ceux qui privilégiaient la voie terrestre, il leur suffisant d’emprunter les ponts de style vénitien qui se suivaient tous les 15 mètres.  

Les canaux et les canots
Voilà donc passée la première étape de la journée dite « dans la peau d’un Singapourien ». 

2ème étape : se prendre un pot dans le bar du Marina Bay Sand. 
Pour l’occasion, on s’est mis sur notre 31. On entre dans l’une des échasses qui sert d’hôtel le plus luxueux du pays, on se tient chiquement, comme si nous étions habitués d’un tel standing, On appelle l’ascenseur et on appuie sur le bouton 57. 
En arrivant là haut, la vue est extraordinaire. Nous sommes sur la proue du bateau. A bâbord, profondément enfoui sous les nuages, le quartier d’affaires, le quartier colonial, l’Opéra- en Durian, les Gardens by the Bay (des jardins en matériaux ultra-modernes) et le Cloud Forest Dome (une forêt tropicale sous trois immenses dômes), les ponts futuristes ne paraissaient pas plus gros qu’une ville en lego. Nous commandons un cocktail qui sera aussi imprévisible que la ville, avant de nous installer avec un couple d’indiens expatriés avec lequel nous avions sympathisé, à tribord. De notre table, nous avions une vue sur l’Océan et ses innombrables cargos chargés de containers. Record accompli : A 200 mètres du sol, c’est le pot le plus haut que nous ayons pris. 

Record accompli!
Avec des expatriés indiens, on parle de l'Inde évidemment! 
Après s’être bien requinqués, on redescend de nos nuages pour une ballade en amoureux dans le parc des Gardens by the Bay. Un parc artificiel dont les arbres en métal mesurent plusieurs dizaines de mètres et dont la cime s’épanouit en parasol squelettique. Le tronc est quant à lui recouvert d’une végétation luxuriante. 

Gardens by the bay
Après une demi heure de ballade, les arbres s’éteignirent. Une musique retentit. Un son et lumière qui avait pour assiette toute la forêt de fer, commençait. 
C’était hallucinant. Comment rendre vivant un spectacle avec seulement de la musique, de la lumière et des arbres immobiles ?  Une nouvelle fois Singapour épate, Singapour vous replonge en enfance. 
La troisième étape de cette journée « dans la peau d’un Singapourien » aurait dû être un dîner dans l’un des luxueux restaurants où les plats sont aussi extravagants que le pays.  Faute de budget, nous feront une entorse au thème de la journée en remplaçant le dîner par une pizza sous la grande hall du marché. 

Enfin, à l’heure où cendrillon perdit sa pantoufle, nous nous dirigions vers le 1-Altitude, un Bar-Boîte de nuit perché à 282 mètres d’altitude, au dernier étage de l’immeuble le plus haut de Singapour. 
A nouveau on se prend un cocktail. A nouveau on dépasse notre record : C’est le pot le plus haut que nous ayons pris. Battre deux fois le record d’une vie en l’espace d’une seule soirée, c’est la classe mondiale ! Sous nous, la ville est encore plus petite que la maquette de lego de tout à l’heure. Elle s’était habillée de lumière et resplendissait. 
C’est ici que nous achèverons cette journée « Dans la peau d’un Singapourien ». Mais comme nous ne voulons pas nous y résoudre, nous y finirons aussi la nuit, là, sur une piste de danse quelque part dans le ciel, la ville à nos pieds. 

Record accompli!
Légende : 282 mètres d’altitude !
La troisième journée, qui ne commença que l’après midi fut marquée par une tentative de compréhension. L’enquête devait commencer avec l’Opéra. Comment les pics du Durian se rétractent-ils ? Malgré nos investigations sur place, nous n’avons pas trouvé la réponse. Après cet échec, on décide de se rendre au Merlion,  une statue mi-poisson mi-lion qui crache de l’eau et qui constitue l’emblème de Singapour. Ce n’est qu’une simple fontaine qui étonne par sa fadeur comparé au reste de la ville. 
Pour cette dernière journée, nous n’aspirions qu’à une seule chose : profiter jusqu’à la dernière minute de la magie de la ville. 
On s’installe donc dans l’une des chaises longues du ponton au spectacle sur le rideau d’eau et on sort nos livres. A chaque fin de page on jetait un coup d’oeil à la ville, comme pour vérifier qu’on avait rien raté de cette beauté. L’heure nous menaçait. On jetait un dernier regard puis on s’éclipsait pour repasser la frontière et entamer notre longue route vers la Chine.
A

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