vendredi 31 octobre 2014

Pingyao 平遥: Où l’on corrompt un garde chinois ?

L’autobus sort de l’autoroute. Il passe le péage et s’arrête. Le sbire du conducteur nous fait signe que c’est notre escale et qu’il nous faut descendre. Il sort. Nous le suivons. Il ouvre les soutes. Il sort nos bagages. Il rerentre dans le bus. La porte du bus se ferme. Le bus s’en va. On est abasourdi. On explose de rire, c’est nerveux !
Nous sommes censés être arrivés dans le plus beau village de la Chine Ancienne, nous sommes à la sortie de l’autoroute, au niveau d’un péage.
Nous marchons.

Une demi heure plus tard, on aperçoit un boulevard, puis deux, puis une énorme ville moderne. L’un des panneaux de signalisation indiquait la ville historique. Nous prenons cette direction pendant une petite heure et nous devinons la muraille qui encercle la vieille cité.

Les remparts de la ville
Nous passons ces remparts et tombons sous le charme de la Chine Impériale, de la Chine des Aventures de Tintin dans le Lotus Bleu (ça c’est de la référence).

Des ruelles pavées qui portent encore l’empreinte des roues des charrettes qui jadis passaient là, des maisons traditionnelles protégées par un torchis orangé et articulées autour d’une cour rectangulaire, des commerces aux devantures de bois sculpté...

Notre Hôtel se situait justement dans l’une de ces maisons traditionnelles. Nous appréhendions sur la qualité de celui ci.
La Chine n’étant pas un pays de Backpackers, les prix sont souvent élevés et il est difficile de trouver des «  bons plans ». Du coup nous avons décidé de réserver les nouveaux hôtels, ceux qui viennent d’ouvrir et n’ont donc pas encore de réputation internet. Bref ceux qui pratiquent des prix plus bas que les autres.
Un habitant de Pingyao nous aide à trouver le chemin de notre hôtel. On longe un champ improvisé où un âne attelé à une charrette attendait, puis on passe une basse porte de bois sur laquelle est affiché un gribouillis chinois. Nous sommes dans la cour d’une ferme en U. L’homme nous fait comprendre que c’est ici, et c’est à ce moment là que la propriétaire des lieux nous accueillis chaleureusement  (bien que nous ne comprenions rien à ce qu’elle disait) en nous accompagnant dans l’unique aile restaurée, celle du milieu du U.
C’était exactement ce que nous cherchions : l’authentique mêlé au confort du neuf.
Puis la propriétaire s’en alla subitement pour revenir quelques minutes plus tard les bras chargés de sorte de petites pommes son jardin et de « moon cakes » (l’un des gâteaux traditionnels chinois) qu’elle nous avait préparés.

petits fruits et moon cakes
C’est aussi ça être les premiers clients d’un hôtel : être bichonné par un propriétaire à la fois flatté et fier que son établissement se remplisse. Mais être les premiers clients d’un hôtel, c’est aussi découvrir des choses inattendues. Ici, c’était le lit.
Un lit « kang » (lit traditionnel), soit une paillasse sur haute estrade en brique.
C’était tellement dur qu’on décidait que notre couette servirait de matelas.
En hiver les locaux mettent des braises sous l’estrade qui s’ouvre par une sorte de fenêtre. Heureusement nous n’étions qu’au début de l’automne, parce que perso, dormir sur une paillasse, par principe en paille, au dessus de braises je ne le sens pas vraiment ou plutôt, je sens le cochon grillé d'avance...
La découverte du moon cake mérite elle aussi une petite description.
Mais comment vous le décrire sans vous décourager ?
Alors le « moon cake », c’est un gâteau dont chacune des bouchées a l’avantage de vous nourrir pour plusieurs jours. Il a également l’avantage de remplacer le Smecta. On fera donc des économies sur notre trousse à pharmacie.

Le soir venu, nous nous installons dans la cour rectangulaire de l’un des Siheyuan (demeures anciennes de la ville) pour y « SoupeDeNouiller ».

Une cour typique de Siheyuan
Nous faisons le point sur nos visites du lendemain et l’obstacle financier se profile pour la fin de notre périple en Chine. 
En effet, si la Chine n’est pas un pays trop cher concernant l’hôtellerie et la nourriture, les transports représentent un coût non négligeable, (surtout que nous traversons cet Empire du Laos à la Mongolie) tandis que les prix des visites vous achèvent littéralement.
Chaque haut lieu à visiter coûte en moyenne 160Yuans par personne, soit 40 euros à 2. Nous en avons une quinzaine à visiter pour ce premier mois en Chine, ce qui représente donc un budget de 600 euros par mois juste pour entrer dans les sites. Nous n’avons pas ce budget. Nous sommes donc contraint de faire des économies et de subir certaines privations.
Ce jour là dans notre cour rectangulaire, nous avions à nouveau un dilemme économique. Le billet unique pour visiter « les musées » de la ville et sa muraille coûte encore 160 Yuans par personne. Or notre Routard nous indique que si la balade dans la ville (gratuite et à satiété) est inévitable, les musées n’ont que peu d’intérêt à l’exception toutefois des remparts, qui sont censés offrir une balade insolite et impressionnante. La problématique est donc : « Doit-on encore payer 40 euros uniquement pour la balade sur les remparts ? ».

Non, on ne prendra pas le billet unique de la ville, mais nous ne nous avouons pas vaincus pour autant. La solution trouvée autour de la soupe de nouille était la suivante : nous marcherons aux pieds des remparts, et à l’une des entrées nous tenterons de corrompre l’un des gardiens pour y monter.
C’est le cœur allégé par cette solution digne et honorable que nous retrouvons notre paillasse.

notre hôtel de nuit.
Le lendemain, notre mission première consistait à mettre notre plan a exécution. Nous longeons donc les pieds des remparts délaissés par les touristes au profit de leur tête. Au loin l’une des entrées se profile. Nous l’atteignons. Nous arrivons devant le garde qui nous demande notre ticket. Nous faisons mine de ne pas savoir qu’il fallait un ticket spécifique, nous lui affirmons que nous ne souhaitons pas avoir un ticket pour tous les musées de la ville mais uniquement pour les remparts et nous lui en demandons le prix, cette demande étant bien entendue accompagnée de notre plus expressive tête d’abrutis, pour une meilleure crédibilité et de la tenue d’un joli billet : l’appât. Le garde continue de nous faire signe qu’il faut acheter le ticket global ailleurs ; là où il pointe le doigt. Nous allions nous retourner lorsqu’il va chercher derrière son bureau un papier à l’attention d’un touriste occidental. « Bonjour, je collectionne les monnaies étrangères et ça me ferait plaisir que vous participiez à l’agrandissement de ma collection ».
Ahhh le garde commençait à nous intéresser et à entrer dans notre plan. Nous cherchons dans notre portefeuille les kip laotiennes que nous n’avions pas pu échanger en chine, cette monnaye étant ici inconnue de toutes les banques… Par chance, les kips laotiennes se comptent en milliers. Une telle quantité de zéros sur les billets pourrait impressionner le garde !

Nous lui tendons donc les kips qu’il nous restait. Le garde les prends, nous dis merci en chinois et … c’est tout. Nous lui faisons comprendre que nous souhaitons passer son tourniquet mais il continue de nous faire « nan-nan » de la tête. Alors là, on s’attendait à tout sauf à ça. Il nous a pris pour des jambons ou quoi ? On lui reprend les kips des mains. Il est dégouté…  nous aussi.

Pas simple à corrompre un chinois quand on ne parle pas la langue.

Une seule idée me tiraillait : trouver la solution pour voir la cime de la muraille sans payer le ticket global.

Minus me consulta.
-       « Flo : Et maintenant Cortex, on fait quoi ? .
-       Moi : On va conquérir le monde.
-       Flo : Et comment qu’on va faire Cortex ? "

A l’abri des oreilles indiscrètes je lui exposai mon plan B.
Celui-ci repose sur mon maître mot à savoir « il y a toujours une faille, trouve là! ».

Comment faire pour trouver la faille de la muraille de Pingyao? Pour nous imprégner du problème il faut l’approcher, l’espionner, ne pas la lâcher.

Les mauvais plans de Minus (cf la dalle de là haut)
On la longe.
Pas de faille. Tout à coup on voit une rampe d’accès dépourvue de garde. On la franchit et là haut, une porte. On pousse. De toutes nos forces. Elle ne bouge pas d’un iota. De là haut, même du mauvais côté de la porte, on a une petite vue sur la cime de la muraille. On voit les tours de guet, le pavement au sol mais on manque soit de proximité soit de hauteur pour la voir aisément.

Flo à la porte.
-       « Flo : Alors Cortex, on a conquis le monde ?
-       Moi : Pas encore Minus.
-       - Et comment qu’on va faire pour conquérir le monde ?"

J’exposai mon plan C. Minus trouvait l’idée géniale. Il me suivit.
Le plan C reposait sur mon maître mot n°2 à savoir « S’il n’y a pas de faille dans l’objet de ta convoitise, il y en a une dans un objet tiers qui donne accès à l’objet de ta convoitise». Tu me suis toujours ou je t’ai hypnotisé ?

On part donc à la recherche d’une haute Siheyuan (une maison traditionnelle) qui fait face au mur. Le but, en trouver une au moins aussi haute que les remparts pour voir distinctement leur cime.

A la recherche d'une Sehuyan
On continue donc de longer le mur mais en regardant les Siheyuan cette fois-ci.
Un chien aboie et attire notre attention. Il est au pied d’une haute Siheyuan abandonnée. Ca semble parfait. On monte les escaliers qui mènent au toit-terrasse. Là haut, on contemple notre objectif : Nous avons conquis le monde !

Les remparts
Une tour de guet
On voyait à quoi ressemblait le haut d’un des remparts les plus hauts et les plus larges de Chine.

Nos traditionnels chemins de ronde font pâle figure à côté d’eux.  Dans les films médiévaux on voit bien le problème : la cime des murs manque de largeur ! Du coup, les gardes perdent équilibre, peinent à se croiser ou à faire d’amples mouvements. Les réalisateurs n’auraient pas à faire face à ce problème s’ils choisissaient les remparts de Pingyao. Combien d’acteurs seraient encore là aujourd’hui s’ils avaient combattus depuis le mur en face de nous?

Alors on continue de regarder ce mur salvateur aux tours de guet toutes intactes, au pavement si parfait, au prix tellement aberrant que c’est jouissif d’être parvenu à le voir sans payer ce fameux billet!

On était tellement omnubilés par ce mur qu’on ne s’est pas douté un instant que ce qui allait au moins autant nous convaincre, ce serait la vue sur tous les toits des Siheyuan.

Vue sur les toits
Une vision poétique.
Le temps d’un songe, vous vous déchaussiez, vous teniez vous souliers par une main, et vous entrepreniez une marche de faît en faît, des sauts de gargouilles-dragons en gargouilles-dragons, et quelques arrêts-méditation.
Un chat passe.
Il vous vole la vedette de votre songe.
Il est temps de rentrer.

Contents de notre toit- terrasse 


envie d'être un chat de goutières
Le jour suivant sera dédié aux zones non touristiques de la ville.
C’est un Pingyao moins clinquant mais tout aussi beau que nous découvrons.

Là, au pieds du mur, un groupe d’homme se rassemble autour d’un jeu de Majong, plus loin on croisera une charrue qui transportait du purin à raz bord nous forçant un bouchage de nez pendant 10 minutes, ce sera ensuite à l’âne-frustré de faire son entrée en scène. Un âne attaché à un arbre avec si peu de mou qu’il ne pouvait même pas brouter l’herbe à ses pieds. Il arracha la pitié de Florent qui désherba le secteur pour lui. 

La charrue qui pue!
Deux ânes se tenant compagnie.
Puis, une mélodie. Un chanteur ? ah non c’est un vendeur de pommes ambulant. A une vingtaine de mètres, la mélodie s’arrête. Un client s’approvisionne à ce cycliste-marchand, et la mélodie reprend de plus belle. Que chante-t-il ? Une ode à ses pommes ? On l’imagine aisément : « Je vends des pommes, des pommes bien mures, ce sont mes pommes, un produit sure, je vends des pommes… ». 

le chanteur-vendeur de pommes
Au gré de la marche dans les rues isolées, les pommes sont remplacées, non plus de manière sonore mais de manière olfactive, par la cuisson de tofu puant. Une odeur capable de vous donner des hauts le cœur ; une odeur capable de faire saliver plus d’un chinois… Ahh oui c’est sure, tous les gouts sont dans la nature !

Encore une soirée dans cette ville sortie tout droit du lotus bleu et au petit matin à l’heure ou blanchit la campagne nous partirons, pour l’un des voyage les plus agréable: le TGV chinois. 3 heures pour 600 km. On retrouvait un court instant une notion française de ce qu’est, un trajet rondement mené.
Le petit plus des TGV chinois : un très grand espace pour vos jambes.

Le petit (gros) moins: ça reste un compartiment de roteurs, de racleurs de george, et de bailleurs-hurleurs (parce qu’on ne change pas une équipe qui gagne !).

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